Soyons vigilants ici à l’enkystement, à la rupture Paris-province, et à la fermeture silencieuse du monde en général, partout à la crainte d’aller voir ailleurs et de rencontrer l’autre.
La mutation d’un conjoint, c’est le risque de tout recommencer, au passage de ne pas retrouver le même salaire pour qui choisit de « suivre ». Indéniablement en avançant dans l’âge et les études des enfants, bouger revient à « perdre de l’avoir », surtout en quittant la région parisienne pour la province vers laquelle on a rarement le temps de préparer son propre atterrissage, entre inscriptions des jeunes, déménagement, etc. On ne nous attend pas, il faut apprivoiser les autres et les lieux. Par contre, c’est une vraie richesse, un luxe de changer d’air et d’inventer quelque chose un peu plus loin.
Combien crèchent le plus près possible de Paris leur vie durant avec pour seule boussole « ici je gagne bien mieux ma vie qu’en Province », « on reste ici pour les études des enfants » ? De l’avoir et de l’être par procuration, l’accumulation pour boussole et des lieux de vie sans histoire.
Je me suis rarement enrichie humainement à travailler avec ceux qui ne connaissent de l’ailleurs que les séjours touristiques où ils retrouvent des décors attendus. Cet ailleurs commence en changeant de lieu à condition qu’on s’efforce d’y rencontrer l’autre et pas de parcourir des morceaux enjolivés de son espace.
Il faut voyager « pour frotter et limer notre cervelle contre celle d’autrui », avoir davantage « une tête bien faite que bien pleine » comme disait Montaigne (1533-1592).
Quelles seront les conditions demain pour voyager et frotter notre cervelle contre celle d’autrui ? 15 minutes autour de chez soi ? 400 km de véhicule électrique plus ou moins selon l’usage du chauffage ? Les images numériques mâtinées d’IA ?
Pour aller plus loin :