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Crise des migrants/réfugiés – Arrivées en Grèce et en Italie de 2015 à mars 2017

Carte du jour, 18 avril 2017. Droits : Commission européenne/ECHO. Carte disponible sur : http://erccportal.jrc.ec.europa.eu/Maps/Daily-maps

Voici la carte du jour mise en ligne le 18 avril par ECHO, service de la Commission européenne à l’aide humanitaire et à la protection civile. Elle associe deux catégories d’informations, des données de localisation et des données statistiques concernant deux grands systèmes de routes de migrants et de réfugiés vers l’Europe. On distingue clairement dans les chiffres que la route qui rejoint la Grèce depuis la Turquie s’est fermée tandis que celle via la Libye vers l’Italie est en plein essor. [Note au lecteur : attention toutefois aux figurés et aux couleurs, cette carte recèle quelques inversions entre les graphiques et les étiquettes.]
Quelques jours avant la publication de cette carte, le 13 avril, le Premier ministre libyen Fayez al-Sarraj accusait dans le quotidien allemand Bild l’Union européenne de ne pas tenir ses promesses tandis que les médias occidentaux relataient le commerce d’esclave organisé par les tribus libyennes et l’état déplorable des geôles libyennes.
Publiée dans un contexte d’enchères UE-Libye en marge d’un nouvel accord, cette carte propose bien d’autres niveaux d’informations : là où les routes n’existent pas se dressent des murs.

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Tout le bleu du ciel et des balcons sur Marseille

Images inspirées par l’archipel du Frioul (1). Bleu de la mer, bleu du ciel, pierres blanches aux flancs du site le plus sec de métropole, à seulement deux milles nautiques de la troisième aire urbaine de France. Sur cet archipel, les forts et les batteries militaires érigés depuis François Ier composent aujourd’hui de sauvages balcons sur la Méditerranée.
Il fallut jadis arrêter les barbaresques, protéger Marseille comme la surveiller, mettre en quarantaine les navires et empêcher les ennemis d’accoster. Sur ce dernier bastion de nature sauvage aux portes de Marseille, la quiétude relègue la guerre bien loin en Orient, mais les pierres parlent encore de contrôle et de blessures de paix. Pour le pire mais aussi pour le meilleur. Il n’est pas interdit de penser qu’en effet le statut de terrain militaire les aura protégées d’un bétonnage touristique intensif et que la présence de forts en aussi grand nombre sous une aussi belle lumière offre le mérite de faire méditer sur l’art et la manière de faire la paix.

Depuis l’île de Pomègues sur l’archipel du Frioul, vue sur les Goudes (langue de terre qui s’abaisse dans la mer à gauche du cliché) et l’île Maïre, autrement appelée île Peyro (2). Cliché Sophie Clairet, décembre 2016.

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Instantanés du front de la propagande

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Capture d’écran du communiqué de presse mis en ligne sur le site du Parlement européen le 22 novembre 2016.

Le 23 novembre 2016, le Parlement européen a voté la « Résolution sur la communication stratégique de l’Union visant à contrer la propagande dirigée contre elle par des tiers ». Sur la base du rapport remis par l’eurodéputée conservatrice Anna Elżbieta Fotyga, ancienne ministre des Affaires étrangères de Pologne, cette résolution attire l’attention de la Commission européenne, des États membres et de l’OTAN sur les propagandes venues de Russie et de l’EIIL/Daech (dans cet ordre de présentation).

Dans le texte : le Parlement européen « 1. souligne que la propagande hostile contre l’Union européenne prend diverses formes et utilise divers outils, souvent conçus de façon à correspondre au profil des États membres, dans le but de déformer la vérité, d’instiller le doute, de diviser les États membres, d’entraîner un découplage stratégique entre l’Union européenne et ses partenaires d’Amérique du Nord, de paralyser le processus décisionnel, de discréditer les institutions de l’Union et les partenariats transatlantiques – dont le rôle dans l’architecture de sécurité et économique européenne est reconnu – aux yeux et dans l’esprit des citoyens de l’Union et des pays voisins, et de saper le discours politique européen fondé sur des valeurs démocratiques, les droits de l’homme et l’état de droit ; rappelle que l’un des principaux outils utilisés est l’incitation à la peur et à l’incertitude chez les citoyens de l’Union, ainsi que l’exagération de la puissance des acteurs étatiques et non étatiques hostiles; fait remarquer que d’autres régimes autoritaires dans le monde utilisent des stratégies semblables à celles élaborées par le Kremlin; ».

Après quinze année marquées par les images d’une « guerre contre le terrorisme » qui poussa sur les ruines du World Trade Center, l’Europe entend se protéger contre de nouvelles images. Les premières venaient de CNN et d’Hollywood – pour schématiser – les nouvelles sont portées aussi par YouTube et consorts.

Top 10 des chaînes YouTube

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Le premier graphique donne une idée du profil des diffusions de masse : musique, programmes pour enfant, programmes trash. Certaines de ces chaînes ont ouvert des filiales, diversifié leurs langues et adapté leurs contenus aux cibles. D’ailleurs le 29 novembre 2016, France Inter invitait la rédactrice en chef de BuzzFeedFrance pour promouvoir « un virage d’enquête et d’info ».

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Si l’on rapporte le nombre de vues à la population du pays d’origine des chaînes YouTube, le classement se trouve substantiellement modifié. Les Pays-Bas et leurs quelques 16 millions d’habitants sont capables de faire la chaîne Spinnin’Records qui engrange plus de 9,3 milliards de vues sur des vidéos musicales qu’elle produit (par exemple Martin Garrix à ses débuts). Sur ce type de graphique, les Russes performent davantage que des Américains qui maîtrisent pourtant les tubes et le véhicule principal, l’anglais. Get Movies et Mashamedvedtv doivent leur classement au dessin animé Masha et Michka. Le 17e épisode diffusé en janvier 2012 sur la première a été visionné plus d’1,8 milliard de fois (en date du 29/11/2016), si bien que la seconde porte la diffusion des épisodes en HD depuis 2013.

Compte tenu de la résolution du Parlement européen

> Est-ce que Spinnin’Records va agrémenter ses vidéos musicales d’images d’une Europe unie et indépendante de stratégies étrangères ? Autrement dit est-ce que l’Europe peut prendre conscience qu’elle abrite des capacités d’influence avérées – et se placer dans une logique proactive.

> Est-ce que la petite fille et l’ours du dessin animé russe Masha et Michka seront interdits ? Autrement dit est-ce que l’Europe entend répondre à la propagande en tuant des ours – et se placer dans une logique de censure et d’embargo.

> In fine qui va agir pour l’Europe, et l’Europe, c’est qui ?

Bons baisers d’Europe, Madagascar 3. Notes prises au cinéma en juillet 2012

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« Les enfants dans la salle n’ont pas tellement rigolé, les parents non plus, à part à deux ou trois reprises, rien à voir avec une explosion de rires. Je n’ai pas ri, certes, je prenais des notes et du coup je ne suis pas rentrée à fond dans les images. C’est un vrai festival, le tigre russe antipathique qui apparait chaque fois avec les chœurs de l’armée rouge, incapable de sortir des héritages du passés, la loutre italienne qui négocie avec le lion US et le tigre russe, la belle « léopard » (je ne sais pas si c’était un léopard) italienne qui les convainc de s’entendre et passe du Russe à l’Américain. Le cirque s’arrête à Rome poussiéreuse dans ses ruines où il rate tout, dans les Alpes suisses où tout repart, puis à Londres (il est écrit Europower sur la tente du chapiteau) où il « casse la baraque » et se fait repérer par un producteur US, avant de partir à NY. Au début, le chef c’est le tigre russe has been. Le numéro est nul, fait fuir tous les spectateurs à un point tel que le cirque s’enfuit en laissant l’argent de la recette (les singes africains envoient les billets en l’air). Numéro raté, musique d’avant le Déluge. A la fin, le lion américain est le boss reconnu par tous. La France, « ici on ne travaille que 15 jours par an » (dans la bouche des pingouins commandos US qui expliquent pourquoi à peine posés au sol, les singes africains s’enfuient dans la nature malgré le contrat signé qui leur demande de travailler). Tout ce que veut la méchante, c’est à dire la capitaine française Chantal Dubois, qui se transforme en araignée pour pister les gentils, c’est accrocher la tête du lion à son mur. « Elle est chtarbée », « la psychopathe nous rattrape ». Elle essaie de se mettre la police italienne dans sa poche en chantant du Piaf là ou le lion US remet tout en ordre avec un spectacle 3 D bluffant et de la musique carrément « fun ». Elle pleure des larmes noires de son maquillage qui coule, finit dans une caisse avec les policiers qui ont eu la bêtise de la suivre, expédiée depuis NY direction Madagascar pendant que le cirque européen/US/russe part à l’aventure sur une formule renouvelée où grâce au lion US, le tigre russe a retrouvé l’envie de vivre. Chantal Dubois n’est pas au niveau de l’attirail des pingouins US avec leurs armes super sophistiquées, elle n’a que la seringue hypodermique et sa méchanceté. »

Sophie Clairet

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L’agressivité, la nature et les sociétés humaines

L'une des sculptures qui composent les menhirs de l'Europe. Elles furent installées par une trentaine d'artistes sur la frontière entre Launstroff (F) et Wellingen (D) pour témoigner de la paix entre les nations. Cliché Sophie Clairet, septembre 2015.
L’une des sculptures qui composent « les menhirs de l’Europe ». Elles furent installées dans les années 1990 par une trentaine d’artistes sur la frontière entre Launstroff (F) et Wellingen (D) afin de témoigner de la paix entre les nations. Cliché Sophie Clairet, septembre 2015.

L’agressivité est liée à la vie dans la mesure où chaque être vivant est obligé de s’inscrire dans un environnement où évoluent d’autres êtres vivants. Il doit donc se faire une place au soleil. Cette caractéristique de la vie elle même est équilibrée par un autre mouvement, celui de la solidarité. L’agressivité ne peut se concevoir indépendamment de la solidarité.

Avec l’aimable autorisation d’Areion Group, voici la reproduction d’un entretien que m’avait accordé Jean-Marie Pelt (1933-2015) pour le magazine Diplomatie n°7 publié en février 2004. Professeur émérite de biologie végétale et de pharmacologie, président de l’Institut européen d’écologie, il a nourri ses ouvrages par l’observation de la nature.

C’est malheureusement ce qui a été tiré comme leçon des écrits des naturalistes du XIXe siècle et de Darwin en particulier, dont on a quelque peu travesti la pensée et tiré la fameuse idée de la loi de la jungle et du « struggle for life ». Leur pensée s’est trouvée exagérée et retraduite dans le domaine social dans les grands systèmes politiques qui ont fonctionné depuis le XIXe siècle, Marx d’un coté et la lutte des classes – la lutte étant le moteur de la société – et le libéralisme où la concurrence sévère et acharnée est un facteur d’agressivité très important. Ces systèmes ont composé un décalque des écrits des naturalistes de l’époque. On disait que la société était à l’image de la nature, la nature était la loi de la jungle donc la société était nécessairement fondée sur l’agression. Les penseurs de ce temps n’ont absolument pas vu l’importance des solidarités dont on prend conscience aujourd’hui. Le terme « solidarité » est d’ailleurs un mot très chaleureux, qui en appelle aux sentiments. Il est nécessaire au fonctionnement des sociétés beaucoup trop agressives. Ajoutons que le XIXe siècle est en contradiction avec le XVIIIe, siècle des Lumières dominé par Jean-Jacques Rousseau et des philosophes qui imaginaient le contraire : une société internationale fondée sur le Droit, apaisée, développant la coopération internationale et le bannissement de la guerre. Et il est certain que ces philosophes auraient été très surpris de voir l’importance qu’a acquis l’agressivité dans nos sociétés. La société des Lumières allait jusqu’à se demander s’il était convenable de placer des fourchettes et des couteaux – symboles d’agressivité – sur la table. Ces penseurs allaient très loin dans la recherche de la fraternité humaine. Le XIXe siècle a renversé complètement la donne, déjà annoncé il est vrai par les guerres napoléoniennes et les aspects violents de la Révolution françaises. C’est à ce moment là que les choses se sont inversées. Après la période, très prometteuse dans l’histoire, que fut ce siècle des Lumières, nous nous sommes engagés dans ce modèle, qui perdure encore aujourd’hui, du « chacun pour soi » et de l’agressivité, qu’elle se développe sur le plan commercial, sur le plan de la violence. S’agissant des guerres, les hommes n’en ont toujours pas éloigné les spectres en ce début de millénaire.

L’amour et la guerre

A contrario, les animaux de très nombreuses espèces ont inventé des systèmes qui régulent et diminuent l’agressivité, voire l’éliminent parfois complètement. Très nombreuses sont les espèces où fonctionnent ces mécanismes, de sorte que les individus de mêmes espèces ne se tuent pas entre eux. Le dernier exemple, très proche de nous, est celui des singes bonobos, qui pratiquent le « faites l’amour et pas la guerre ». Leur sexualité inhibe leurs comportements agressifs. On voit même certains comportements agressifs devenir des comportements de parade amoureuse et par conséquent changer de signification. Dans l’acte sexuel la pénétration, mouvement d’agression initialement, s’inverse complètement et l’amour et la postérité l’emportent in fine.

L’humanité et la guerre

Les bilans des guerres des hommes sont tout à fait tragiques. Les bandes de chimpanzés s’affrontent sur un champ de bataille. Ce n’est que lorsque tout se déroule mal que le combat fait un mort. Nous avons pourtant toutes les sagesses, toutes les philosophies, toutes les religions : tout ce discours est entendu par l’humanité mais n’a pas réussi collectivement à empêcher les dégâts dus à l’agressivité et à la violence. C’est une caractéristique tout à fait inhérente à notre espèce. Et je me pose toujours cette question : on voit bien que de très nombreuses personnes dans la plupart des religions recherchent la paix, la solidarité, la fraternité. Il existe des vies exemplaires, celles de saints, mais collectivement la régulation de la violence ne fonctionne pas. Les pulsions collectives d’agressivité et d’agression des peuples et des civilisations sont encore très fortes aujourd’hui.

Le parcours du chef : une sélection par l’agressivité

La prééminence du chef est une donnée très forte, qui se manifeste à partir de l’organisation des animaux supérieurs. Les invertébrés ne forment pas entre eux de collectivité organisée. Dès que la collectivité est structurée et organisée, se dégagent des chefs, généralement au cours de combats – chez nous les élections sont un combat symbolique. Il faudrait souhaiter que le chef ne soit pas l’individu le plus agressif mais le plus gentil. Ce type de sélection existe chez des sociétés de chimpanzés où il arrive que le chef soit celui que le groupe aime le plus. Dans la plupart des cas cependant, le chef s’impose surtout par la force de son poing ou de ses arguments. Evidemment, à ce jour, l’essentiel du travail pour nos hommes politiques est d’être aimés – ce qui n’est pas toujours le cas puisque les aptitudes requises précisément pour devenir le chef ne sont pas précisément les qualités d’aménité.

Le rôle des comportements sociaux culturels ritualisés

Lorsque vous débarquez au Japon vous êtes très frappé de la société où les ritualisations sont très fortes. Il n’y a pas d’agressivité dans la rue, le métro. Les Japonais ont travaillé sur le polissage ritualisé des relations humaines. C’est exactement le contraire qui se produit lorsqu’on parle chez nous actuellement d’incivilité. L’incivilité revient à l’absence de rituels. Ne pas dire bonjour ou s’agresser verbalement, tous ces comportements n’existeraient pas si se développaient des ritualisations dans les relations entre les êtres humains. Nous sommes dans une société très déstructurée, on le voit bien par rapport au Japon. Ces rituels de comportement qui ont pour but de réguler l’agressivité, tels que la courtoisie ou la politesse, étaient des méthodes utiles au bon déroulement des relations humaines.

L’Homme et la nature

L’Homme est à la fin de l’aventure. Mais l’Homme parce qu’il a développé une capacité de raisonner détient une responsabilité très grande, qui ne s’exerce pas seulement pour sa propres espèce, mais vis-à-vis des autres espèces dans la mesure où il est capable de les faire disparaître. Il est en fait le responsable, le gardien du jardin comme dit la Bible. Dans cette idée du jardin, transparaît celle des espèces qui pourraient être cultivées. Les musulmans parlent de la place de l’Homme comme lieutenant d’Allah sur la terre. C’est toute l’aventure de l’écologie que de mettre l’Homme devant ses responsabilités, face à l’évolution même de la vie sur la planète. Or il les assume très mal. Il a perdu le sens des responsabilités. Il faut qu’on réintègre dans le mouvement de l’éducation, dans les écoles, ce que les Anciens appelaient la règle d’or et qui s’exprimait par une phrase très simple : « Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’il te fasse ». Cette règle se retrouve dans toutes les religions sans aucune exception. C’est le code du vivre ensemble. Je pense que nous devrions fonder notre stratégie éducative sur l’apprentissage de cette règle simple très tôt dans les processus éducatifs. On parle de l’instruction civique, de la morale dans les écoles. Mais cette phrase que l’on trouve mot à mot dans tous les textes sacrés doit apparaître très tôt. Il faudrait faire aux autres ce qu’on aimerait qu’ils nous fassent à nous mêmes. C’est le contraire de l’agressivité.

Propos de Jean-Marie Pelt recueillis par Sophie Clairet.

Pour aller plus loin :

– Jean-Marie Pelt, La loi de la jungle. L’agressivité chez les plantes, les animaux, les humains, Fayard, Paris, 2003, 280 pages.
– Centre Jean-Marie Pelt : http://www.centrejeanmariepelt.com/
– Diplomatie n°7, Areion Group, février-mars 2004, 92 p.

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Parties civiles

Une pensée émue pour ces petites victimes oubliées, nos enfants que l’on enferme. Leur horizon se réduit, quels mondes découvriront-ils au-delà des tablettes. En ferions-nous des drones ?

Je pense à ceux-là que l’école ne conduisait déjà plus dans les musées, devenus inaccessibles. Comment organiser un transport en toute sûreté ? Trop compliqué. C’était pourtant si chouette de s’y rendre avec les copains et le professeur. On apprenait autrement, on touchait l’Histoire, on traversait le savoir, on y cheminait comme dans un paysage. Au retour, on se jetait sur ces « mille » photos toutes un peu ratées. Mais on les a gardées, elles sont palpables et bien réelles, en provenance de ce temps des pellicules développées.

Aujourd’hui, un bien triste sanctuaire gagne un cran insoupçonné tant il est loin du bruit et du fracas. Il se laisse saisir dans le carnet de correspondance d’un petit collégien (voir photo).

Nos enfants ne connaitront donc pas cette plongée en débrouillardise qu’était de passer sans papa ni maman une ou deux semaines dans un autre pays, d’y assister à des cours en langue étrangère en vivant dans une famille qui ne parlait pas un mot de français, le tout gratuitement et pour tout le monde. Car tout se passait au sein de l’école de la République avec ses professeurs, et non dans une colonie pour gens de bien.

Le correspondant, ce copain était toujours un peu « forcé » : on apprenait à « faire avec », on touchait concrètement ces différences de cultures qui commencent à la frontière. Voilà, à l’heure où tout est à portée de main, lui aussi devient inaccessible.

Je me souviens de mon bonheur d’avoir connu tout cela. Nos enfants peuvent bien se porter parties civiles des replis que nous leur édifions. Dans le plus grand silence, sans caméra, sans pleur ni grand stratège, nous enfermons notre avenir. Il ne peut pas le savoir, lui qui nous fait confiance.

Sophie Clairet

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En direct… lancement de l’Atlas… Sahara – Sahel : géographie, économie et insécurité

Atlas-CSAO

Vous pouvez suivre en direct à cette adresse de 9 h 30 à 11 h 30 le lancement officiel de l’atlas publié par le Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest (OCDE) ce vendredi 19 décembre 2014.

La présentation officielle

« Le Sahara-Sahel traverse des épisodes récurrents d’instabilité, cependant les crises libyenne et malienne récentes intensifient le degré de violence. Elles restructurent les dynamiques géopolitiques et géographiques. Transfrontalières voire régionales, ces crises contemporaines nécessitent de nouvelles réponses institutionnelles. Comment les pays partageant cet espace – Algérie, Libye, Mali, Maroc, Mauritanie, Niger, Tchad et Tunisie – peuvent-ils, ensemble et en relation avec des États tels que le Nigéria, le stabiliser et le développer ?
Depuis toujours, le Sahara joue un rôle d’intermédiaire entre l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne. Avant l’époque romaine, des routes le traversaient déjà, à l’origine militaires. Les échanges commerciaux et humains sont intenses et fondés sur des réseaux sociaux auxquels se greffent désormais les trafics. La compréhension de leur structuration, de la mobilité géographique et organisationnelle des groupes criminels et des circulations migratoires représente un défi stratégique. Cet ouvrage espère relever ce défi et nourrir les stratégies pour le Sahel de l’Union européenne, des Nations Unies, de l’Union africaine ou encore de la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) en vue d’une paix durable. »

Plus d’informations

Site du CSAO (OCDE) : http://www.oecd.org/fr/csao/publications/un-atlas-du-sahara-sahel-9789264222335-fr.htm

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Randonneurs, la mouvance touristique du fond des âges

Partir découvrir le monde, visiter, aller voir plus loin… Tout cela constitue des fondamentaux de l’humanité. Parmi nos aventuriers, les marcheurs composent un groupe particulier. Ce groupe-là n’a pas la limite du moteur d’une machine ni de la voie bitumée. La fin de la marche dépend de la seule volonté – certes de l’état des pieds et de l’arrivée d’une mer ou d’une rivière. Au fur et à mesure de l’avancée et de la découverte, la volonté se renforce ainsi qu’un certain sentiment de puissance et de conquête.

Les marcheurs sont une mouvance touristique qui célèbre cette liberté de dépasser quelques limites, les frontières en font partie.

En avril 2014, un magazine plaçait en couverture « Retourner au Sahara en 2014 ? » et passait en revue différents chemins de découverte de la Mauritanie à la Tunisie. Le rappel des zones déconseillées par le ministère des Affaires étrangères ponctuait chaque ode à la re-découverte de contrées devenues impénétrables au gré de la montée des mouvances islamistes. La liste des voyagistes et compagnies aériennes permettait en revanche de trouver parfois comment y aller malgré tout, en transitant par un État moins regardant que la France.
Pincée d’aventure, sentiment de transgression face à la montée des murs, perspective simplement de contempler des paysages magnifiques placés hors de portée par la folie des hommes, simple légèreté teintée d’irresponsabilité au prétexte que la vie est trop courte pour être enfermée… la liste des ressorts serait trop longue à dresser.

Il convient juste de rappeler le rôle fondamental de la simple marche comme système de découverte du monde réel. Une puissance d’expérience mais aussi de formation de la pensée (1) que le monde virtuel ne remplace pas. Les voies qui se ferment devant les pas d’un marcheur sont autant d’emprises territoriales (2) des forces obscurantistes.

Sophie Clairet

Image du haut : Sahel : zone déconseillée aux voyageurs. Attention à rechercher les informations sur les pays limitrophes (ex. Algérie). Source : MAEDI

Notes

(1) Voir les nombreux ouvrages sur philosophie de/et la marche.
(2) Le territoire est un espace sous contrôle, approprié.

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Comment vivre ensemble ?

« À quelle distance dois-je me tenir des autres pour construire avec eux une sociabilité sans aliénation ? »

Roland Barthes (1915-1980) a tenté d’y répondre en 1977 au Collège de France, en plongeant dans la richesse de notre langue et de notre culture. Quelles que soient les échelles – du monde à la cellule familiale – cette distance passe par la préservation de son rythme (idiorrythmie). Le pouvoir apparaît comme perturbateur/faiseur de rythme : « la subtilité du pouvoir passe par la dysrythmie, l’hétérorythmie ».

Voici le lien vers les conférences (format audio) intitulées « Comment vivre ensemble », prononcées à partir de janvier 1977 par Roland Barthes dans le cadre du Collège de France, institution française fondée en 1530 où les cours sont gratuits et ouverts à tous. Le regard du sémiologue glisse de la distance au temps, un éclairage enrichissant pour les approches géographiques ou géopolitiques.

Pour aller plus loin

– « Comment vivre ensemble / 1976-1977 » sur http://www.roland-barthes.org
– Roland Barthes : « Comment vivre ensemble » (« How to live together »), Lectures at the Collège de France, 1977 sur http://ubu.com

Sophie Clairet

Image du haut : Israel vs Palestine, cliché sur Flickr de Dust Mason (cc).

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OTAN : ses dépenses d’armements présentées depuis Stockholm

La base de données de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI) permet de suivre l’évolution des dépenses d’armements engagées depuis 1989 à l’échelle mondiale. Depuis le 1er juillet, le SIPRI diffuse, en plus de cette ressource, une nouvelle base dédiée aux membres de l’OTAN, dont les données remontent à 1949 et qui présente des graphiques – c’est-à-dire une mise en forme visuellement efficace de quelques données triées. Cette nouvelle production scientifique intervient au moment où les médias évoquent une éventuelle intégration de la Suède et de la Finlande à l’Alliance atlantique et où la paix européenne est remise en question par la question ukrainienne. Données scientifiques versus contexte géopolitique et influence, peut-on démêler la pelote ?