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Tout le bleu du ciel et des balcons sur Marseille

Images inspirées par l’archipel du Frioul (1). Bleu de la mer, bleu du ciel, pierres blanches aux flancs du site le plus sec de métropole, à seulement deux milles nautiques de la troisième aire urbaine de France. Sur cet archipel, les forts et les batteries militaires érigés depuis François Ier composent aujourd’hui de sauvages balcons sur la Méditerranée.
Il fallut jadis arrêter les barbaresques, protéger Marseille comme la surveiller, mettre en quarantaine les navires et empêcher les ennemis d’accoster. Sur ce dernier bastion de nature sauvage aux portes de Marseille, la quiétude relègue la guerre bien loin en Orient, mais les pierres parlent encore de contrôle et de blessures de paix. Pour le pire mais aussi pour le meilleur. Il n’est pas interdit de penser qu’en effet le statut de terrain militaire les aura protégées d’un bétonnage touristique intensif et que la présence de forts en aussi grand nombre sous une aussi belle lumière offre le mérite de faire méditer sur l’art et la manière de faire la paix.

Depuis l’île de Pomègues sur l’archipel du Frioul, vue sur les Goudes (langue de terre qui s’abaisse dans la mer à gauche du cliché) et l’île Maïre, autrement appelée île Peyro (2). Cliché Sophie Clairet, décembre 2016.

Parsemée de vestiges militaires et interdite d’accès, l’île Maïre ferme la rade de Marseille au sud. Seule la visite des fonds poissonneux et protégés est ouverte aux plongeurs aguerris. Le curieux grimpera les rochers abrupts en visite virtuelle sur des forums d’initiés. L’île Maïre est un îlot totalement abandonné des hommes, passé de haut lieu stratégique à fond de carte postale et arrière plan de cinéma. Les chèvres sauvages en ont été délogées.

Vue sur le château d’If, première forteresse royale de Marseille (1527-1529) et la Bonne Mère en arrière-plan. Photo prise au téléobjectif depuis la digue Berry. Cette digue construite en 1822-1824 a créé un port de quarantaine supplémentaire en reliant les îles de Pomègues et Ratonneau. Cliché Sophie Clairet, décembre 2016.
Tour de Pomeguet (1859-1860). Ce poste de garde surplombait le port de Pomègues et contrôlait le chemin reliant ce dernier au port de quarantaine. Cliché Sophie Clairet, décembre 2016.
Depuis la batterie de Cavaux (1883), vue sur l’île décharnée de Pomègues et la cité phocéenne en fond. Au centre, la batterie du sémaphore (1880-1883). A droite, le ferry de 10 h 00 en provenance d’Alger entre en rade de Marseille. Cliché Sophie Clairet, décembre 2016.

Sur ce promontoire situé à l’extrémité occidentale de l’île de Pomègues, plusieurs installations militaires se sont succédé avant d’être intégrées au mur de la Méditerranée (Südwall) organisé en 1943 par les Allemands pour contrer un débarquement d’Afrique de Nord. Le site de la batterie de Cavaux est interdit au public, par risque d’effondrement.

A l’entrée du Vieux Port, le fort Saint-Jean vu de la mer. Ce fort est désormais intégré au MuCEM inauguré en 2013. Cliché Sophie Clairet, décembre 2016.

C’était pour discipliner une cité remuante et frondeuse (3) que Louis XIV avait ordonné l’occupation militaire de Marseille et la construction des forts Saint-Jean et Saint-Nicolas. La prise et la démolition des forts par la population au printemps 1790, en particulier leur partie qui menaçait la ville, comptent parmi les motifs de fierté de l’histoire locale.

Vu du large, le musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MuCEM) prolonge le fort Saint-Jean. Ouvert en 2013, ce musée national ethnographique occupe des espaces délaissés par le port après avoir été malmenés par les bombes. Cliché Sophie Clairet, décembre 2016.

Dans ce musée, la cité a choisi d’exposer les cultures européennes et méditerranéennes sur des espaces que la guerre avait martyrisés. Bombardements de 1940 par les chasses allemande et italienne, de 1943 par l’aviation anglaise et de 1944 par l’aviation américaine, Pour le seul 27 mai 1944, depuis ce ciel bleu – bien au-dessus des forts devenus balcons sauvages – plus de huit-cents bombes américaines furent larguées de très haute altitude par cent-vingt forteresses volantes. Sans oublier la rafle de milliers de personnes et dynamitage du quartier nord du Vieux Port en janvier 1943 par les Allemands – aidés par 12 000 policiers français sous la houlette de René Bousquet.

Marseille, Vieux-Port, 1943. Le fort Saint-Jean se situe à gauche. Un cliché pour ne pas oublier l’importance de la paix pour les populations civiles. « Il permet de constater l’étendue de la table rase qui est en train de s’étendre, mais ce qui, aujourd’hui, inspire l’accablement, est présenté à l’époque comme une opération de salubrité publique. Le dynamitage des maisons a commencé le 1er février 1943. Il a duré jusqu’au 17. Près de 1 400 immeubles ont été abattus. Toute la ville de Marseille a été alors recouverte par le nuage de poussière qui se dégageait de la zone. Seuls quelques immeubles historiques comme la Maison diamantée sont sauvés. La mairie trônera bientôt presque seule devant le champ de ruines qui s’étend sur quatorze hectares ». (INA)

« La représentation négative de Marseille, perçue comme le lieu de tous les trafics et de tous les dangers, qui sous-tend le projet, sort en droite ligne de l’idéologie nazie, hiérarchisant les peuples, les régions, les villes à l’aune de la race aryenne. Dans cette échelle, la Méditerranée n’est pas au plus haut. Mais cette mauvaise réputation de Marseille est largement partagée en France dans l’Entre-deux-guerres, et le fait que le port soit devenu un refuge pour les persécutés fuyant le nazisme a encore renforcé son caractère répulsif, en particulier du côté des partisans de la collaboration. » (INA)

Sophie Clairet

Notes :

(1) Pomègues, Ratonneau, If et Tiboulen.
(2) Pierre.
(3) La Fronde (1648–1653) est une période de révoltes en réaction à la montée de l’autorité monarchique.

Pour aller plus loin :

– Nicolas Faucherre, « Forts et batteries de la rade de Marseille, des pôles en devenir du territoire communal », (http://www.infos-patrimoinespaca.org/index.php?menu=9&num_article=8&mp=2&cptcom=0)

– Actualités de la guerre, disponibles sur le site de l’Institut national de l’audiovisuel avec cet avertissement : « Attention, ce document provient des actualités produites et contrôlées par le régime nazi et les autorités vichystes et diffusées en France de 1940 à 1944 »

  • Sur le bombardement de 1940 (Les Actualités Mondiales, 11 décembre 1940) :
  • Sur le bombardement de 1943 (France Actualités, 10 décembre 1943) :
  • Sur le bombardement de 1944 (France Actualités, 9 juin 1944) :

– Sur la destruction du vieux Marseille en 1943 (JT de 13 heures, 26 janvier 1969) :

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