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Faire & savoir faire savoir : l’Islande au top de l’efficacité

Vignette de présentation de Sveinn Birkir Björnsson, directeur des publications de l'agence de promotion de l'Islande.
Vignette de présentation de Sveinn Birkir Björnsson, directeur des publications de l’agence de promotion de l’Islande.

Le 19 octobre 2016, EFFIE, le prestigieux Grand Prix de la campagne de communication la plus efficace a récompensé l’agence The Brooklyn Brothers & Íslenska pour Ask Guðmundur: World’s First Human Search Engine. Depuis le lancement début 2015 de cette campagne, sept Islandais répondant à l’un des prénoms les plus répandus du pays – Guðmundur ou Guðmunda, d’âges variés et localisés dans les régions d’Islande répondent directement aux questions des touristes étrangers (cible du marché en plus forte croissance en Islande). Quelle est la température de l’eau, y a t’il des forêts, peut-on venir avec des enfants, etc. Les vidéos réponse postées sur la chaîne YouTube dédiée font la part belle aux paysages sans fioriture, « les secrets » du pays sont à portée d’humain.

EFFIE récompense pour la deuxième fois la promotion de l’Islande. Déjà la marque Inspired by Iceland (la maison mère) avait reçu l’or en septembre 2011. Cette nouvelle couronne démontre que cinq ans après son lancement, Inspired by Iceland fonctionne effectivement comme un cadre de promotion concret de l’Islande. La campagne Barcelona Inspira lancée en 2015 puis la marque Inspire Metz dévoilée mi-octobre 2016 font comprendre que ce succès venu d’un petit territoire insulaire aux marges de l’Europe suscite l’envie. Pour autant il y a loin entre l’original et les copies, Inga Hlín Pálsdóttir, directrice Visit Iceland & Creative Industries rappelle :

« It’s important to understand that the country is the brand itself »

En effet, le territoire islandais nourrit l’image de promotion (branding, marketing…) et la leste d’une charge permettant de faire caisse de résonance à un projet politique. L’un de ses ingrédients, les débats portés par le tout jeune Piratar (Parti pirate) devenu la troisième force du pays hier aux élections législatives du 29 octobre 2016, constitue la filigrane d’Ask Guðmundur: World’s First Human Search Engine.

Efficacité

Le jury d’EFFIE estime que « grâce à leur approche humoristique et une solution créative fondée sur l’importance du savoir ancré dans le local et l’humain, ils ont généré la croissance la plus forte et la plus rapide que le secteur touristique islandais ait jamais réalisée ». Cette campagne de promotion se distingue dans les catégories de la meilleure démonstration d’efficacité intégrée, David vs. Goliath et Petit budget.
Et de fait, le tourisme est devenu le principal pilier de la croissance économique de l’Islande, laquelle s’élève à 4% par an. Le nombre de touristes est en hausse de 20% par an et atteindrait 1,7 million en 2016 – soit plus de quatre fois le nombre total d’habitants. Les statistiques détaillées figurent dans les registres du FMI, de l’OMC, du Cia Factbook, etc.

Signification politique

L’un des prénoms les plus répandus d’Islande, Guðmundur, est donné à un système d’information qui représente l’inverse de ce qu’offre Google. Déjà, un mot pareil défie les canons du référencement ne serait-ce que par sa graphie autochtone et non anglaise. La presse n’a pas manqué de souligner une alternative à Google dès 2015 :  » En effet, les ­internautes sont souvent autant à la ­recherche de conseils que de faits. L’Islande l’a d’ailleurs parfaitement compris en lançant en mai son initiative de « moteur de recherche humain ».  » Même ton sur les sites spécialisés dans le tourisme : « Fini les réponses froides et mécaniques de Google »
Barack Obama en visite officielle sur l’île le 13 mai 2016 qui s’interroge sur le nombre des Guðmundur, a bien compris la tonalité et engage la joute :

Guðmonda du sud de l’île, une jeune femme en tenue de football en ces temps d’Euro2016, lui répond que parfois même les présidents ont besoin de Guðmundur, avant de faire rebondir le ballon et de laisser tomber son micro pour vaquer à d’autres occupations :

Au printemps, cet échange d’amabilités se déroule sur fond d’ascension du Parti pirate dans l’opinion publique islandaise. Ask Guðmundur n’a strictement rien à voir avec la promotion d’une activité touristique par l’esthétique, d’ailleurs les paysages jouent sur la rugosité du réel et non sur un univers onirique de mannequins filiformes. Bien davantage, elle arbore l’identité islandaise comme étendard de ralliement, c’est au tour du pays tout entier de faire « marque ».

L’élément d’une chaîne

Les observateurs politiques annoncent depuis plusieurs mois une avancée significative du Parti pirate islandais aux élections législatives du 29 octobre. Après avoir conquis en 2013 trois sièges d’un Parlement qui n’en compte que 63, le jeune parti créé en 2012 a notamment profité du scandale suscité par la révélation des Panama Papers en avril 2016. Le Premier ministre islandais Sigmundur David Gunnlaugsson avait été poussé à la démission par la descente dans la rue de 20 000 Islandais, tandis que Birgitta Jonsdottir, ancienne porte-parole de WikiLeaks, co-fondatrice du Piratar et député renforçait davantage sa position.

Visuel d'Iceland Academy; la nouvelle campagne de promotion qui permet de gagner des séjours.
Visuel d’Iceland Academy, la créa islandaise de 2016 qui forme les touristes et leur fait gagner des séjours.

Le moteur de recherche d’informations humain Guðmundur n’est que l’élément d’une chaîne. Un an après l’avoir lancé, Inspired by Iceland s’est doté d’une Iceland Academy pour informer (ndlr) former les touristes désireux de visiter le pays. Voilà une logique imparable : après l’information, la formation par des gens du cru. Répondre correctement aux évaluations permet de gagner des écussons – finalement il s’agit de clés métaphoriques – puis un séjour garanti comme 100% hors des sentiers battus. Les visiteurs qui auront adopté la démarche initiatique se détourner de « Google », demander aux guides locaux, avoir l’humilité de se former, etc. en verront davantage. Voilà, l’île quasi-déserte battue par les vents s’accordera le luxe de sélectionner les touristes dignes de la visiter. Il le faudra bien car l’Islande, dépassée par le succès de ses campagnes de promotion, est saturée au sens propre et les lslandais disparaissent du paysage.

A l’autre extrémité du modèle, l’approche symétriquement inverse a démarré dans les nouvelles régions et métropoles françaises en plein essor. On prend l’habitude ici qu’une « marque de territoire » sans identité territoriale assumée, voire sans signification claire autre qu’une musique « qui sonne bien » et en appelle à la fierté d’en être, soit fièrement présentée comme solution pour faire émerger un territoire produit contre la concurrence. Quel est le projet politique à décoder dans les marques Onlyon, SoToulouse, Osez Bordeaux ? Gagner en ostracisant une autre ville ?

Sophie Clairet

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Kaléidoscope de printemps

La chaîne de télévision Arte vient d’étoffer son dossier « Souriez, vous êtes cybersurveillés ! » par un documentaire de 89 minutes.

« … il me semble que la vraie question reste à être posée. Le mot sécurité est l’un des mots les plus importants dans le monde d’aujourd’hui et c’est aussi le moins bien défini. La définition du mot sécurité suscite beaucoup d’interrogations, en particulier quand on l’associe avec ce que l’on appelle la sécurité nationale. Qu’est ce que la sécurité nationale ? La sécurité nationale de qui ? Sommes nous en train d’essayer de protéger ou de conserver ? Je pense que ces questions sont fondamentales… »
(Extrait du documentaire d’Alexandre Valentin)

Source

Dossier d’Arte : http://future.arte.tv/fr/cybersurveillance

Une perspective à venir dans le champ politique

Projet de résolution « Améliorer la protection des donneurs d’alerte » de Pieter Omtzigt, examiné lors de la session d’été de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (Strasbourg, 22-26 juin 2015). Présentation disponible à : http://www.assembly.coe.int/nw/xml/News/News-View-FR.asp?newsid=5481&lang=1&cat=5

Sophie Clairet

Image du haut : Un documentaire d’Alexandre Valentin (France, 2015, 89 min.) : mardi 24 mars à 20h50.

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Islande, ressources de la conférence – Festival de géopolitique de Grenoble

Voici les documents présentés à l’Institut de géographie alpine dans le cadre du Ve Festival de géopolitique et de géoéconomie de Grenoble, en conférence « L’Islande en résistance ». Le titre fut choisi par les organisateurs, je l’ai accepté et j’ai adapté mon approche en conséquence. Au lieu de présenter les atouts et stratégies islandaises à travers des données de base, le sujet devait intégrer cette notion de « résistance » : j’ai donc rencontré des diplomates islandais en France et intégré des représentations extérieures – notamment FMI, médias et groupes politiques français.

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Politique, marketing et paysage musical au pays de la création du monde (Islande)

Ile volcanique située sur le rift médio-atlantique, l’Islande combine le feu, l’eau, l’air, la terre, la glace. Prolongeant le gulf-stream, la dérive nord-atlantique vient réchauffer ses côtes. Ce point chaud du monde tout à fait spécial nourrit des représentations qui se croisent sur Internet pour le plus grand plaisir des yeux et des oreilles et le plus grand bénéfice de nombreuses activités.

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Islande, un petit kaléidoscope des grands enjeux

Depuis la reconnaissance par le FMI des réussites islandaises, cette petite île singulière apparaît comme un laboratoire de l’innovation, une voie alternative face à la crise. Peuplée de 320 000 habitants qui s’identifient par leur prénom, l’île de glace s’apparenterait à notre mythique village d’irréductibles Gaulois, simples et résistants, lesquels puiseraient dans les entrailles de la Terre leur potion magique. Le rêve est permis, mais il existe quelques réalités qui méritent le détour : une défense assurée par Washington puis par l’OTAN, des élites formées aux États-Unis et à Londres, une candidature à l’Union européenne et un accord de libre-échange avec la Chine prévu en 2013 (6 accords signés en 2012).

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Puissance des volcans & anticipation des crises

L’éruption du volcan islandais Eyjafjöll fait réapparaître le débat sur les typologies de volcans et leur dangerosité. En termes d’anticipation des aléas et de gestion des effets humains et économiques, il est important de saisir les nuances entre les différents volcans et d’intégrer leur localisation. On doit aux volcans explosifs (1) de rejeter dans l’atmosphère des tonnes de cendres, et aux volcans effusifs (2) de déverser vers les villes et villages des langues de lave. Il s’agit de deux types de risques bien distincts, mais un volcan peut très bien être explosif puis effusif (à l’explosion suit la coulée de lave). Dans sa phase explosive, le volcan Eyjafjöll concerne quasiment l’ensemble de l’Europe à la fois sur le plan des activités aériennes et des effets climatiques et sanitaires. Dans sa phase effusive, il ne devrait concerner que la société islandaise.

Fonctionnement des volcans explosifs ou « gris »

À la différence des volcans basaltiques, dont la fluidité de la lave permet une purge régulière et une régulation de la pression, les volcans andésitiques ou « gris » présentent une lave visqueuse au comportement plus explosif. Les explosions volcaniques les plus fortes concernent ce type de volcans (3).

Où trouver des volcans « gris » ?

Ces volcans se localisent sur les zones où le magma est riche en silice, ce qui est le cas dans les zones de subduction, et notamment la « ceinture de feu du Pacifique. » Dans le cas de l’Islande, localisée sur une zone où les plaques divergent, le magma du volcan Eyjafjöll est plutôt basaltique (4). Mais il s’agit d’un point chaud du monde, dont l’activité volcanique est régulière et qui comprend à peu près tous les types de volcans. Le magma présent dans la chambre magmatique s’est chargé en silice en vieillissant : bien que localisé dans une zone basaltique, le volcan est dès lors entré en éruption sous une forme explosive.

Vue de l’éruption du volcan Eyjafjöll. Photo par World’s landscape sur flickr.

Le volcan ne crache que 50 tonnes de magma par seconde contre plusieurs millions pour le Pinatubo. La durée de la forme explosive du volcan sera déterminante pour envisager les conséquences humaines et économiques. Un retour à une forme effusive est tout à fait possible avec la fonte des glaces. Une installation durable de la forme explosive engagerait en revanche d’autres effets : en 1783, le volcan Laki a rejeté des fumées volcaniques durant 8 mois.

Notes :

(1) le magma est riche en silice
(2) le magma est riche en basalte
(3) échelle VEI
(4) ce qui alimente d’ailleurs les nombreux débats actuels sur la pertinence d’une définition stricte entre les volcans gris et les volcans rouges

Pour aller plus loin

Institut islandais des sciences de la Terre
The Smithsonian’s Global Volcanism Program

(Article publié le 18 avril 2010 sur www.diplomatie-presse.com, le site historique du magazine Diplomatie)