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Tunisie, le tourisme recycle encore les valeurs « sûres »…

Affichées dans le RER parisien en série, les images de l’office de tourisme tunisien montrent le Lézard Rouge et le colisée d’El-Jem surmontés d’une invitation « Tunisie tous les rêves possibles ». Ces deux paysages appellent au rêve sur des dizaines de mètres de long.

Ce message s’adresse au passager qui dans le même temps, mobile à la main, reçoit des informations sur le procès d’une jeune femme violée par des policiers (avec les excuses officielles du président tunisien) ou les affrontements à Djerba – mot-clé des voyagistes pendant des décennies et site d’affrontements récents.
Tous les rêves sont possibles certes, mais dans un paysage sans Tunisien ?
Un peu plus d’un an après la vague d’espérance suscitée par la jeunesse tunisienne, qui fit rêver la jeunesse européenne, le rêve que propose le ministère tunisien du tourisme est celui d’un colisée romain et d’un train français[1]. De quoi conforter le député d’Ehnnada, Abou Yaâreb Marzouki, qui le 16 juillet prononçait une phrase largement reprise (mise en ligne sur Youtube) : « le tourisme est une forme de prostitution clandestine ».

Amphithéâtre d’El-Jem (IIIe siècle), le monument romain le plus célèbre de Tunisie, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1979. Cliché du 8 octobre 2012, RER A, La Défense.

Rien de nouveau dans ces images, la distance classique pour dépayser en rassurant, on fige les modèles jusqu’à créer des territoires qui se juxtaposent sans lien logique.

Quelques faits

La Tunisie a enregistré une chute de la fréquentation touristique de 31% entre 2010 et 2011[2]. Le secteur comptait alors pour 7% du PIB en 2010, employait 400 000 personnes[3], et recevait une clientèle majoritairement européenne. Le 21 septembre 2012, l’agence de presse tunisienne TAP annonce que l’Organisation Arabe du Tourisme (OAT) réalisera le premier village touristique arabe dans le gouvernorat de Jendouba. Village touristique, cela signifie selon le Saoudien Bandar Ben Fahd Al Fahid, président de l’OAT, « des pavillons reflétant les spécificités architecturales de tous les pays arabes ». La dépêche affine la cartographie des acteurs : « Au cours de cette visite, les deux parties ont examiné la possibilité de transformer l’école touristique d’Ain Draham en un centre arabo-chinois de formation aux métiers du tourisme et de l’hôtellerie afin de permettre aux compétences tunisiennes et arabes de répondre aux attentes du touriste chinois. »

Sur les revers de l’histoire touristique

« La Syrie (-41 %), l’Égypte (-32 %), le Liban (-24 %), la Palestine (-15 %) et la Jordanie (-13 %) ont accusé une forte baisse de la fréquentation touristique. En revanche, la croissance est restée stable dans quelques destinations. L’Arabie saoudite a enregistré une hausse spectaculaire (de 60 %) du nombre d’arrivées de touristes internationaux (six millions de visiteurs supplémentaires, pour un total de 17 millions) et a nettement redressé la barre depuis 2009 et 2010 grâce aux importants efforts déployés par les autorités pour renforcer la place du tourisme dans l’économie du pays. » (voir note 2)

Sophie Clairet

Image du haut : Une des affiches de promotion de la Tunisie (2e type de paysage : voir infra). Cliché du 8 octobre 2012, RER A, La Défense.

Notes

[1] « Le Lézard Rouge fut construit en France au début du vingtième siècle (entre 1911 et 1926) suite a la commande de la Compagnie des Chemins de Fer Bone-Guelma. Il vit le jour dans les ateliers de construction du nord de la France Blanc-Misseron et dans les ateliers de construction Dyle-Bacalan à Bordeaux. Ensuite, il fut offert au Bey de Tunis pour ses déplacements entre le Bardo, Tunis, Hammam-Lif et La Marsa.
Après l’indépendance de la Tunisie en 1956 et la proclamation de la République en 1957, ce train qui représentait un symbole colonial et monarchique fut abandonné pendant des années. Il réapparut en 1975 sous sa nouvelle dénomination « Le Lézard Rouge ». Ce n’est qu’en 1984, après une restauration et une remise en état qu’il débute son exploitation dans le sud tunisien. Il débute précisément dans la ville de Metlaoui a la découverte des fameuses Gorges de l’oued Selja. »
http://www.lezard-rouge.com/train-lezard-rouge.html
[2] Faits saillants OMT du tourisme, édition 2012
http://mkt.unwto.org/fr/publication/faits-saillants-omt-du-tourisme-edition-2012
[3] http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/pays-zones-geo/tunisie/presentation-de-la-tunisie/article/presentation-22541

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