Nous planterons le thym et la Montagne fleurira. Symbole hérité de la période révolutionnaire, la farigoulo (le thym) est l’emblème des démocrates provençaux qui se dressèrent contre le coup d’État du 2 décembre 1851. Une petite promenade dans l’Histoire en hommage aux héros anonymes et au thym de Provence. (Image ci-contre : Appel du Comité de Résistance des Basses Alpes)
Extrait du discours de Victor Hugo à l’Assemblée nationale le 17 juillet 1851
Savez-vous ce qui la fait invincible ? Savez-vous ce qui la fait indestructible ? Je l’ai dit en commençant et je le répète en terminant : c’est que la République est le produit accumulé des efforts antérieurs, c’est qu’elle est la somme du labeur des générations, c’est qu’elle est un résultat historique autant qu’un fait politique, c’est qu’elle est la forme absolue, suprême, nécessaire du temps où nous vivons ; c’est qu’elle est l’air que nous respirons, et qu’une fois que les nations ont respiré cet air-là, qu’on en prenne son parti, elles ne peuvent plus en respirer d’autre !
Oui, savez-vous ce qui fait que la République est impérissable ? C’est qu’elle s’identifie, d’un côté, avec le peuple, et, de l’autre, avec le siècle ; elle est l’idée de l’un et la couronne de l’autre.
MM. les révisionnistes, je vous ai demandé ce que vous vouliez. Ce que veulent les hommes de progrès, on peut vous le dire ; on peut non pas l’expliquer, mais le résumer d’un mot.
Il faut supprimer dans l’ordre social un certain degré de misère, et dans l’ordre politique une certaine nature d’ambition. Plus de paupérisme et plus de monarchisme. La France ne sera tranquille que lorsque nous aurons vu disparaître du milieu de nous tous ceux qui tendent la main, depuis les mendiants jusqu’aux prétendants.
Quelle situation ! Quelles vaines et pitoyables disputes ! Les pouvoirs se harcèlent. Les hommes sont infidèles aux institutions ; les uns oublient ce qu’ils ont juré, les autres oublient ce qu’ils ont crié.
Les factions tiraillent la Constitution, dans l’espoir de déchirer la République !
Et pendant ces agitations misérables, le temps, c’est-à-dire la vie se perd.
Quoi ! voilà la situation que vous nous faites ! Quoi ! L’affaissement des pouvoirs, la torpeur, quelque chose de pareil à la mort, nulle grandeur, nulle impulsion, nulle force, des tracasseries, des conflits, des chocs, pas de gouvernement !
Et cela, dans quel moment ?
Au moment où plus que jamais une puissante initiative démocratique est nécessaire ! au moment où la civilisation, à la veille de subir une solennelle épreuve, a plus que jamais besoin de pouvoirs actifs, intelligents, féconds, réformateurs, sympathiques aux souffrances des travailleurs, pleins de l’amour du peuple, par conséquent de sa force ! au moment où les jours troublés arrivent, où tous les intérêts semblent prêts à entrer en lutte contre tous les principes ! au moment où les problèmes les plus formidables se dressent devant la société, et l’attendent avec des sommations à jour fixe ! au moment où les philosophes, les publicistes, les observateurs sérieux, les hommes sages, les vrais hommes d’État, attentifs, inquiets, penchés sur l’avenir, penchés sur l’inconnu, l’œil fixé sur toutes ces obscurités accumulées, croient entendre distinctement le bruit monstrueux de la porte des révolutions qui se rouvre dans les ténèbres.
Après le coup d’État du 2 décembre 1851, Victor Hugo part en exil.
Le thym et les campagnes contre la torpeur des villes
Paysans, artisans, villageois se soulevèrent, les villes ne les suivirent pas. Les dernières poches de résistance tombèrent le 15 décembre 1851.
Les républicains des Basses-Alpes scandaient « Plantaren la farigoulo e la Mountagno flourira », en soutien à la Montagne, en hommage à cette république qu’ils souhaitaient voir refleurir, en écho au souffle du député Hugo « c’est qu’elle est l’air que nous respirons, et qu’une fois que les nations ont respiré cet air-là, qu’on en prenne son parti, elles ne peuvent plus en respirer d’autre !. » On trouve des descriptions de cette foule d’anonymes chez Zola « Grisés par l’enthousiasme du soulèvement général qu’ils rêvaient, ils croyaient que la France les suivait… Ils auraient saisi et fusillé comme traître quiconque leur aurait dit à cette heure que seuls ils avaient le courage du devoir, tandis que le reste du pays, écrasé de terreur, se laissait lâchement garrotter » (La Fortune des Rougons). Sur cette insurrection, l’une des plus importantes dans la France du XIXe siècle, il reste peu d’écrits et peu de héros. Les édiles et l’armée, ceux dont on écrit l’Histoire, n’étaient pas du « bon côté ». On trouve pourtant quelques traces en ligne « À Digne, la garnison capitule le 7 décembre, et les républicains prennent le contrôle de la préfecture, la seule en France à alors tomber entre les mains des républicains ». Un des chefs de l’insurrection laisse simplement son nom au collège André Ailhaud. Ailhaud de Volx (1799-1854), garde général des eaux et forêts, révoqué en 1849 pour menées démagogiques et propos séditieux, est mort en déportation à Cayenne.
Sophie Clairet
Pour aller plus loin :
– Chronologie de l’insurrection bas-alpine de décembre 1851
– Luc Willette, Et la montagne fleurira, Denoël, 1975.