Soyons vigilants ici à l’enkystement, à la rupture Paris-province, et à la fermeture silencieuse du monde en général, partout à la crainte d’aller voir ailleurs et de rencontrer l’autre.
Soyons vigilants ici à l’enkystement, à la rupture Paris-province, et à la fermeture silencieuse du monde en général, partout à la crainte d’aller voir ailleurs et de rencontrer l’autre.
C’est parti pour la recherche iconographique, films et images de la reconstruction pour élargir le petit sujet « Je vais te raconter » au Roux d’Abriès, au fin fond du Queyras. Le Ministère de la reconstruction et de l’urbanisme communiquait largement, films et photographies à l’appui, j’espère en trouver des traces.
Je t’avais demandé si tu pouvais emmener ton petit-fils sur les traces d’une sortie que organisais pour tes élèves du collège de la Rose le Clos de Marseille. Dans les années 1970-1980, avec tes collègues, tu embarquais les classes de 6e en train sur les traces des Romains.
C’est parti pour un bien bel échange.
Voici les images tournées le 14 avril 2016 à Arles. Montage d’époque, en famille pour s’amuser.
Merci pour ce partage papa, merci pour tout.
Samedi 5 février. J’ai ouvert ta porte sans frapper. Tu étais debout près du lit médicalisé, habillée, bien habillée, mais pieds nus. Ton visage s’est éclairé « Tu es venue me chercher ». Tu as tendu la main vers ton joli sac à main rouge, as avancé vers moi à tout petits pas, sans lever les pieds.
Tu es parti sans bruit papa, épuisé et c’est sans doute le signe qu’il était temps de rejoindre Augustine, Pierrot, Olympe, Limerick… Je t’ai remercié d’avoir été mon père et dit ce qui n’appartient qu’à nous. Je voudrais juste ici parler de cette puissance de résistance qui t’anime. Au présent car le flambeau est passé, sois en rassuré, nous sommes tous un peu des emmerdeurs. Tu as passé ta vie à transmettre le refus.
« Le refus a toujours constitué un rôle essentiel. Les saints, les ermites, mais aussi les intellectuels. Le petit nombre d’hommes qui ont fait l’Histoire sont ceux qui ont dit non, et non les courtisans et les valets des cardinaux. Pour être efficace, le refus doit être grand, et non petit, total, et non pas porter sur tel ou tel point absurde, contraire au bon sens. » (Pier Paolo Pasolini)
Oui, voilà l’appel que je voudrais lancer à travers l’espace ; mais vous-même qui lisez ces lignes, je le crains, vous l’entendriez sans le comprendre. Oui, cher lecteur, je crains que vous ne vous imaginiez pas la Liberté comme de grandes orgues, qu’elle ne soit déjà pour vous qu’un mot grandiose, tel que ceux de Vie, de Mort, de Morale, ce palais désert où vous n’entrez que par hasard, et dont vous sortez bien vite, parce qu’il retentit de vos pas solitaires. Lorsqu’on prononce devant vous le mot d’ordre, vous savez tout de suite ce que c’est, vous vous représentez un contrôleur, un policier, une file de gens auxquels le règlement impose de se tenir bien sagement les uns derrière les autres, en attendant que le même règlement les entasse pêle-mêle cinq minutes plus tard dans un restaurant à la cuisine assassine, dans un vieil autobus sans vitres ou dans un wagon sale et puant. Si vous êtes sincère, vous avouerez peut-être même que le mot de liberté vous suggère vaguement l’idée du désordre — la cohue, la bagarre, les prix montant d’heure en heure chez l’épicier, le boucher, le cultivateur stockant son maïs, les tonnes de poissons jetées à la mer pour maintenir les prix. Ou peut-être ne vous suggérerait-il rien du tout, qu’un vide à remplir — comme celui, par exemple, de l’espace…
Cette nouvelle de Thomas Mann dépeint l’avancée de l’épidémie du choléra asiatique à Venise en 1911. Une épidémie qui ne dit pas son nom, dans un haut-lieu du tourisme où converge la belle société. Cachée par les autorités qui redoutent une mauvaise presse et le départ des touristes, la maladie progresse en creux, entre silence des gens informés et tarissement du flot d’étrangers. Aujourd’hui, 23 février 2020, une ambiance grise et froide remplace les couleurs du carnaval. Les autorités italiennes interrompent brutalement la fête pour cause de Covid-19, virus asiatique de l’année. L’occasion de se replonger dans La mort à Venise de Thomas Mann dont voici un extrait ainsi que la bande annonce du film de Visconti avec une musique de Gustav Mahler (merci Caroline et François pour la mise à jour du 26/02) :
J’ai, captif, épousé le ralenti du lierre à l’assaut d’éternité*
Quand cela a-t-il commencé ? « Pars d’ici, tu vas crever à Metz ».
La petite musique a parlé tellement fort que j’avais placé tous mes vœux sur un retour dans le Sud en 2017. C’est au soleil du Béarn que je commence à faire le lierre pour grapiller des secondes d’éternité.
Il est des lieux faits pour d’autres, là où la lumière ne convient pas, la terre ne porte pas les racines.
Sophie Clairet, 1er janvier 2020
*René Char, « Afin qu’il n’y soit rien changé »
Je n’étais jamais venue à Pau. Il y a tout juste quatre ans, je n’avais jamais non plus foulé le sol lorrain avant de poser les valises à Metz. Dans les deux cas, déménagement en quelques semaines, accélération du temps pour soudain boucler tous les dossiers, coupure rapide de toutes les habitudes, perte de tous les visages connus. À l’arrivée tout est nouveau, on se tait, on écoute, on observe, on apprend. On se sent très seul aussi, même si on l’a choisi et qu’on en sortira plus riche d’expérience. Il faudra tout reconstruire.
Avant que l’habitude s’installe, voici un recueil d’impressions subjectives, les premiers traits sur la page blanche qui resteront indélébiles. Ni analyse ni roman.