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Aux promeneurs de l’Internet dans un paysage de tracking

Quelques réflexions sur les promenades d’Internet, un blog, ses logs et qui se protège en cartes.

Dans quel État, j’erre ?

Au départ de GeoSophie, une connaissance proche du zéro pour tout ce qui concerne l’informatique technique. Le site utilise une charte clé en main proposée par WordPress en se bornant à sélectionner des couleurs. Je choisis OVH pour l’héberger parce qu’il est français, me disant que le site sera localisé en France en respect du droit français. Ouf, c’est le cas ! Avec un bémol toutefois. Lorsque je me connecte sur le « manager », j’arrive sur un serveur hébergé au Canada. La raison évoquée par OVH à qui je fais part de mon dépit : la société a préféré placer ce service au Canada pour disposer de serveurs « au frais ». OVH me rassure : le contenu de GeoSophie reste, lui, hébergé en France.

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Regard sur « Le nouveau capitalisme criminel » de Jean-François Gayraud

Dans Le nouveau capitalisme criminel*, la « crise » qui nous occupe depuis 2008 est un indice, le crime en cours est la substitution d’une oligarchie financière aux systèmes démocratiques. Les armes utilisées : des machines alliant trading haute fréquence (qu’il soit réellement utilisé ou présenté comme parade à la petite semaine pour masquer des actions humaines) et logiciels dévoyés. La scène a son centre névralgique, là où se concentrent serveurs géants et places financières, ainsi que ses centres secondaires, les zones grises du narcotrafic.

J’ose espérer que Jean-François Gayraud passera sur le manque de nuances dans ce très bref panorama, il est difficile de détailler sans réécrire tout l’ouvrage car tout se tient parfaitement. Quelques données parlent d’elles-mêmes :

« en 1976, 1% des Américains les plus riches captent 8,9% de la richesse nationale, en 2007, à la veille de la crise, ce 1% en monopolise 23,5% » (Le nouveau capitalisme criminel, p. 301).

Après en avoir refermé les 303 pages (hors notes), c’est ainsi que m’apparaît d’abord son ouvrage : une enquête qui nous concerne tous, quelle que soit la complexité de la démonstration technique. Les méandres de l’enquête sont à la mesure des voies tortueuses retenues par les fraudeurs et de leur démultiplication selon leur degré d’organisation et leur capacité à corrompre les systèmes – économique et politique. La véritable victime est ce citoyen ordinaire, comme vous et moi, dont le paysage d’action s’inscrit dans l’économie du réel et qui vote en espérant donner mandat à des représentants en capacité d’agir. On aimerait que l’Europe suive Ewald Nowotny, gouverneur de la Banque centrale d’Autriche et membre de la BCE : « En ce qui concerne le trading haute fréquence, il n’y a rien à règlementer, il faut interdire », Jean-François Gayraud expliquant

« Son argument est limpide, nourri par l’expérience : les financiers trouvent toujours des échappatoires dans toutes les règlementations » (op. cit., p. 260).

Encore faudrait-il que la presse nous alerte davantage sur ces sujets éminemment politiques, qu’elle questionne efficacement nos élus. Le lecteur de l’ouvrage se demandera logiquement comment se fait-il qu’il n’y ait aucun scandale ?

« L’aristocratie financière aux commandes est servie à la fois par une classe politique aux ordres constituée de débiteurs et par un nouveau clergé non plus catholique mais médiatique, disant le bien et le mal et lui conférant sa légitimité » (op. cit., p. 285).

Où en est-on de la crise ? Le système va t-il lâcher ou se reprendre ? Vers où va t-on ? Voilà des questions que se posent bon nombre de personnes. Sans tomber dans la théorie du complot, simplement en décrivant des faits et en les replaçant en perspective, cet ouvrage est éclairant. Sur le plan géopolitique il permet une cartographie des acteurs. Sur le plan géographique, il fait émerger de nouveaux lieux au-delà des clichés, la bourse de Paris à Basildon près de Londres ou le NYSE à Mahwah – de gros serveurs aux débouchés de gros câbles.

Sophie Clairet

Référence

Jean-François Gayraud, Le nouveau capitalisme criminel, Préface de Paul Jorion, Paris, Odile Jacob, février 2014, 368 p.

Pour aller plus loin

Interview de Jean-François Gayraud sur Xerfi Canal :
Jean-François Gayraud, Xerfi Canal Le… par GroupeXerfi

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Paris « ville de pub », le marketing urbain en crise ?

Si la montée en puissance des métropoles signe notre nouvelle modernité, la crise s’invite dans le marketing urbain avec le phénomène « ville de pub ». Cette bâche qui tapisse le palais de justice de Paris en travaux illustre l’affadissement du message politique, qu’il s’adresse aux citadins ou aux touristes (partie gauche de l’image), en même temps que l’influence des affaires (partie droite). Il y a pléthore de supports d’influence, il manque juste à équilibrer les messages.

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Une conférence venue d’ici : Pirates, territoires et divertissement

Voici quelques notes personnelles (1) prises lors des IVes assises nationales de la recherche stratégique, « Risques et menaces de l’hypermodernité », le 13 décembre à l’École militaire. Érik Orsenna intervenait en Grand Angle de la séance inaugurale devant un amphithéâtre Foch qui ne pouvait accueillir tous les auditeurs.

Prise de notes (extraits de la conférence)

Le monde actuel est étymologiquement plus religieux, c’est à dire relié. Connaître la moindre des choses ne suffit pas. En même temps que le besoin de culture générale augmente, on déteste les idées générales, les recettes qui s’appliquent partout. S’il y a une revanche à saluer, c’est celle de la géographie.
Ma conviction est que la lecture de notre époque se révèle extrêmement complexe. Les Français pensent être dans l’immuable, fils et filles ainé(e)s de l’Église, et s’inscrivent dans la durée. Or l’inverse se produit. Le monde des rentiers est mort, comme disent les Japonais, tout ce qui a une forme est appelé à s’éloigner pour revenir sous une autre forme. Je distingue trois divorces et trois prises d’otages

Les trois divorces

Première instance de divorce, le marché et l’état de Droit.
Les espaces nationaux du monde légal face à par exemple ce qui se passe au Mali, où prédomine la situation d’espaces fluides où circulent des pirates. Les parallèles sont nombreux entre pirates du désert, de l’Internet et des mers. Nous voilà face à l’éternelle opposition entre le nomade et le sédentaire, où les nomades vont de plus en plus vite. Ceux qui vont le plus vite et gagnent le plus sont au-delà des règles. Le vrai homo economicus mondialisé, c’est le gangster. Le mal progresse plus vite que le remède dans un découplage entre marché et état de droit.

Deuxième découplage dans le Droit à l’intérieur des puissances publiques
Lorsque j’ai demandé au maire de Hambourg son avis sur l’Allemagne, il m’a répondu que Hambourg avait existé bien avant l’Allemagne, avait sept siècles d’avance sur l’Allemagne. L’influence des métropoles s’accroit, celle des États recule. Or une nation n’est pas une somme de « Singapours ». La question est posée : et si la modernité s’accompagnait d’un retour au Moyen-Age, c’est à dire d’un retour aux ligues comme la Ligue hanséatique – la question de la capacité des États étant posée.

Le divorce entre l’individu et la société
On a d’un côté le morcellement entre les jeunes et les vieux dans nos sociétés, de l’autre le « tissage familial » en Afrique, comme l’exprimait Moussa Konaté (2). La France et l’Afrique composent les deux extrêmes, nous sommes très individuels, alors qu’en Afrique le poids familial est très fort. Depuis quelque temps les « Tout Pour ma Gueule et Tout de Suite » ont chez nous le vent en poupe. Et deux modifications des termes du Droit sont intervenues :
– Le Droit a été changé en droitS ;
– La construction grammaticale a substitué le « droit à » au « droit de », le « droit à l’enfant » remplace le « droit de l’enfant ».
La montée des droits de chacun, dans un sentiment de gain alors qu’il y a perte sèche est là : nous ne sommes plus protégés par les corps intermédiaires alors qu’auparavant la famille jouait le rôle de tampon.

Il existe également un découplage avec la nature. L’ensemble fonctionne bien lorsque l’économie va de pair avec l’état de droit, la ville avec l’État, l’individu avec la société. Lorsque l’un des éléments du couple prend le pouvoir, c’est la déchirure.

Les trois prises d’otages

Le long terme par le court terme
Symptôme : plus les milliardaires ont gagné vite leur fortune, plus ils portent une montre chère.
Comment dans nos démocraties, dans un contexte d’élections et de tempo médiatique, donner de la valeur au long terme ? La solution, je la partage avec Martin Hirsch, serait de faire en sorte qu’il y ait un droit de vote proportionnel à l’espérance de vie. Mon fils aurait par exemple six voix, certains de nos académiciens, ½. (Applaudissements de la salle, NDLR). Je monte un nouveau parti politique autour de cette idée, que ceux qui sont intéressés viennent me voir à la pause (Une boutade ? NDLR).
Nous sommes dans un monde de mutations où plus que jamais il faut parier sur le long terme, notamment dans le secteur de l’énergie. La question est posée à l’État affaibli, un État qui normalement est le maître des horloges. Or l’État est celui qui génère le plus d’instabilités en multipliant les règles, les normes, etc. Quand l’État accroit l’incertitude, il n’est pas dans son rôle.

Le vide par le plein
Obligation est faite de ne pas s’ennuyer, il faut remplir, toujours remplir. En même temps, on édulcore, c’est-à-dire qu’on met du sucre, on enrobe au lieu d’avancer. La Dulce de Leche (3) c’est Disneyland. Les contes d’Andersen sont pertinents, vous en voyez l’inverse enrobé de sucre par Disney.
L’enrobé de sucre rend-il heureux ? Je vous renvoie aux deux derniers ouvrages de Daniel Cohen : nous ne ressentons aucun sentiment de gain par rapport au niveau précédent, on stagne ou on diminue, on est très malheureux.

Le réel par le virtuel
Paul Valéry disait « que serions-nous sans le secours de ce qui n’existe pas. »
Mais quand le virtuel se fait de plus en plus fort, quand l’absence devient la règle, nous voilà dans un vertige vis-à-vis du réel. La ressemblance est forte entre Facebook et les drones, dans les deux cas on ne voit ni les amis, ni les ennemis. On s’éloigne du réel le plus possible. Certains jeunes passent quatre à cinq heures dans un monde virtuel où ils ont huit ou neuf vies. Tout cela nous conduira à des modifications physiologiques comme le dit Michel Serres.

En conclusion vive le réel. Les chevaliers du réel ont une double mission : accroitre la prise de conscience et faire en sorte que les gens qui commencent à savoir acceptent de croire en ce qu’ils savent, pour entrer dans la prise de conscience ET en tirer les conséquences.
Il y a risque et risque. Certains risques sont terribles, d’autres sont au cœur de la vie. Quand le principe de précaution s’invite dans la Constitution, dirige une nation, on est mal barrés. (Applaudissements de la salle, NDLR). « Précaution » : le terme a un petit côté incontinent, ostéoporose et col du fémur. (Applaudissements de la salle, NDLR). Si on avait donné vie au principe de précaution, Pasteur aurait-il pu soigner le jeune enfant (4) ? J’adresse un salut au risque. Dans tous les domaines de votre vie, tout ce que vous avez fait de bien aura comporté une part de risque.

Notes

(1) Toutes les phrases ne sont pas reproduites, il s’agit de notes que j’ai essayé de transcrire le plus fidèlement possible.
(2) Moussa Konaté (1951 à Kita -2013 à Limoges), écrivain.
(3) Confiture de lait, mélange de lait et de sucre très doux.
(4) Référence à Joseph Meister, neuf ans, mordu par un chien enragé et que Pasteur vaccina en 1885. L’enfant ne développa pas la rage.

Fin de la prise de note. (Voir cette conférence sur le site du CSFRS : http://www.acteurspublics.com/2013/12/16/revivez-les-ives-assises-nationales-de-la-recherche-strategique)

Intérêt pour GeoSophie

Cette conférence a insisté sur le retour de la géographie : toutes les choses n’ont pas le même sens, la même portée partout. Évidemment, c’est un motif d’intérêt et de satisfaction pour un géographe d’entendre Érik Orsenna faire s’interroger nos responsables stratégiques sur la pertinence de clés de lecture – comme de solutions systématiques – venues d’ailleurs.
J’avais pris ces notes et obtenu l’accord enthousiaste du principal intéressé avant de me rendre compte que les vidéos étaient en ligne sur le site du CSFRS. J’ai hésité, à quoi bon mettre ces quelques mots sur geosophie puisque chacun peut écouter Érik Orsenna et non lire des raccourcis vus par quelqu’un d’autre ? Finalement, il s’agit d’un petit complément à usage de ceux qui ne disposeraient pas d’un débit suffisant, une sorte de résumé personnel que je n’ai pas jeté, il constitue un autre niveau d’information, après tout et permet de dresser une sorte de diptyque avec une autre conférence – venue d’ailleurs (voir sujet suivant).

Sophie Clairet

Image du haut : Lapin blanc des Aventures d’Alice au pays des merveilles – un pays où le temps est déréglé, il n’y en a pas assez. Gravure de John Tenniel sur Wikipedia.

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Islande, ressources de la conférence – Festival de géopolitique de Grenoble

Voici les documents présentés à l’Institut de géographie alpine dans le cadre du Ve Festival de géopolitique et de géoéconomie de Grenoble, en conférence « L’Islande en résistance ». Le titre fut choisi par les organisateurs, je l’ai accepté et j’ai adapté mon approche en conséquence. Au lieu de présenter les atouts et stratégies islandaises à travers des données de base, le sujet devait intégrer cette notion de « résistance » : j’ai donc rencontré des diplomates islandais en France et intégré des représentations extérieures – notamment FMI, médias et groupes politiques français.

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Données sur les conflits : qui, où, comment…

La course à la prévision et à l’anticipation sur des événements concerne tous les acteurs du jeu international, des Nations Unies aux firmes implantées à l’international en passant par les médias et les chercheurs. Savoir avant les autres rapporte gros, en contrats, en vies humaines, en renommée. Rien de nouveau, aux oracles, Nostradamus et psychohistoriens (1), il faut désormais ajouter les « big-dateurs ».
Parce qu’elle est née en Europe et a reçu le soutien de la DG Recherche de la Commission européenne, qu’elle figure aujourd’hui comme l’une des – sinon LA – bases de données de référence en matière de conflits en Afrique, l’Armed Conflict Location & Event Dataset (ACLED) mérite un petit détour.

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Oubliés de nos campagnes : la diagonale du vide en images

© Ulrich Lebeuf/MYOP/Secours Catholique. La vallée des oubliés. Oubliés de nos campagnes
© Ulrich Lebeuf/MYOP/Secours Catholique. La vallée des oubliés. Oubliés de nos campagnes

La diagonale du vide évoquée en cartes dans des posts précédents (voir celui sur la prospective DATAR 2020 et celui sur la compétitivité à la française) trouve son illustration sensible dans cette exposition « Oubliés de nos campagnes ». Présentée par le Secours catholique-Caritas France et l’agence Myop, du 20 novembre au 1er décembre 2013 à Paris (1), cette série de photographies de Lionel Charrier, Pierre Hybre, Olivier Jobard, Alain Keler et Ulrich Lebeuf (2) a pour objectif de « mettre en lumière ceux qui sont trop souvent dans l’ombre, favoriser une prise de conscience du phénomène grandissant de la précarité en milieu rural et surtout favoriser le changement de regard. »

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Articles Récits

EUROTAN ? Visions européennes de la défense et de la sécurité en question

« Si les Européens veulent conserver leur capacité autonome de rester en paix, il faut qu’ils récupèrent leur capacité autonome d’entrer en guerre » (Alain Joxe).

Voici le lien vers la conférence donnée à l’Hôtel de Ville de Lyon par Alain Joxe dans le cadre des Grandes conférences de la métropole le 17 octobre 2013. Directeur d’études honoraire à l’EHESS, président du Centre interdisciplinaire de recherches sur la paix et d’études stratégiques (CIRPES), il propose des clés de lecture critiques sur les risques pour l’Europe d’un alignement stratégique sur l’OTAN. Cette intervention stimule la réflexion sur l’évolution de la stratégie française à travers l’Histoire et sur ses plus récentes formulations (relations entre défense et sécurité, Livre blanc sur la défense et la sécurité nationaleetc.).

Sophie Clairet

Image du haut : Alain Joxe le 17 octobre 2013 à Lyon. (Image issue du film de la conférence)

Pour aller plus loin :
– Site de la Conférence
– Site du CIRPES

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Instantanés de la compétitivité « à la française »

L’indice de compétitivité régionale (RCI) publié en août 2013 entre dans sa phase de finalisation. L’étude provisoire (1) permet déjà d’éclairer les originalités françaises sur le plan des disparités entre la capitale et les régions les moins compétitives. Les plus optimistes, gageant que Paris « tire » le reste du pays, y verront la marque de l’excellence et de l’attractivité parisienne, les plus décentralisateurs celle de la permanence du clivage entre « Paris et le désert français » (2), les prospectivistes s’interrogeront sur les limites de l’antifragilité à la française (3).
Toujours est-il que la Commission européenne tire la sonnette d’alarme dans sa présentation : « Déjà dans l’édition 2010 du RCI, le manque de diffusion régionale était manifeste, surtout autour des capitales de certains pays de l’UE moins développés. Bien que la crise ait limité la croissance potentielle de la diffusion régionale, à moyen terme, celle-ci devra être renforcée. La compétitivité globale d’un pays dépend des performances de toutes ses régions et pas seulement de sa capitale. »

Sur l’indice de compétitivité régionale (RCI)

L’indice RCI est élaboré sur le modèle de celui du Forum économique mondial (l’index de compétitivité globale, GCI). Il tient compte de trois thématiques : les fondements (institutions, stabilité macro-économique, infrastructure, qualité de l’enseignement primaire et secondaire), l’efficacité (formation tout au long de la vie, efficacité du marché du travail, taille du marché) et l’innovation (innovation, capacité technologique…). Son objectif est de capter les différentes dimensions de la compétitivité à l’échelon régional pour réduire les inégalités de l’Europe dans son ensemble.

Deux images de l’index de compétitivité régionale

RegionalCompetitivnessIndex2013
(Cliquer ici pour accéder à la source)
Le graphique montre le profil de l’exception française : l’écart entre la région parisienne et la région la moins compétitive pourrait laisser penser au profil d’un pays en développement où la capitale draine les richesses sans les redistribuer et où les élites oublient leurs terroirs du 16 août au 13 juillet (4).

CarteCompetitiviteregionale

La carte illustre les écarts entre les modèles des deux moteurs traditionnels de l’Europe, l’Allemagne et la France, qu’il ne faudrait pas simplement réduire au constat des histoires fédérale pour l’une et centralisée pour l’autre. Pour ne citer que quelques autres aspects, la forme des territoires, leur situation relative (la France est en grande partie un « finisterre » alors que l’Allemagne est un centre depuis l’élargissement), les densités et les réseaux jouent aussi un rôle important.

Les réseaux européens prioritaires

10corridors
(Cliquer ici pour accéder à la source)
Dans un contexte où l’écotaxe fait débat en France, voici la carte diffusée le 17 octobre 2013 par la Commission européenne montrant les dix axes de transports prioritaires. Pour la France, l’axe atlantique et l’axe méditerranéens pourraient contribuer à dynamiser certaines des régions les moins compétitives (représentées sur la carte précédente). Notons que le 1er port français, Marseille, ne développera pas son hinterland par les Alpes du Sud. Voilà le résultat d’années de concurrence entre Lyon et Marseille, entre Marseille et Nice, entre Gênes et Marseille, entre professionnels de la route et ceux du rail, entre écologistes et « bétonneurs » : un splendide axe Nord-Sud d’Amsterdam à Gênes en passant sous les montagne suisses. Tout est affaire de tractations et de rapports de force, y compris dans les vides d’une carte : le TGV Lyon-Turin est issu de l’enterrement en première classe du fret Marseille-Turin sous le Montgenèvre (5).

Intérêt pour GeoSophie

Contextualiser les conflits qui prennent en France une tournure régionale. Il serait dommage de se contenter de penser que les habitants de telle ou telle région ne s’intéressent qu’à leur petit intérêt personnel, ne sont que fous dangereux fonctionnant sur une base passionnelle. La carte des risques identifiés par la DATAR en 2000 (6) et les publications de la Commission sur l’index de compétitivité régionale concourent à faire réfléchir aux responsabilité de l’État et à l’intérêt de limiter le clivage Paris/province pour mieux soutenir l’ensemble des citoyens. Pour sa part, chaque citoyen a la possibilité et la responsabilité de prendre connaissance de ces schémas et grands desseins d’aménagement, d’y contribuer en adressant ses remarques et en demandant démocratiquement des comptes à ses élus.

Sophie Clairet

Image du haut : L’Europe vue de nuit, une image de la répartition des habitants en 2017. Cliché de Thomas Pesquet (© ESA)

Notes

(1) Avant prise en compte des avis et commentaires des citoyens européens qu’il était possible de transmettre en ligne grâce à un lien communiqué ici (http://ec.europa.eu/regional_policy/information/studies/index_fr.cfm#3) avant le 30 septembre 2013.
(2) Un clin d’œil à l’ouvrage publié en 1947, Paris et le désert français, par le géographe Jean-François Gravier.
(3) Terme utilisé par Nassim Nicholas Taleb, voir Antifragile: Things That Gain from Disorder, New York, Random House, 2012. L’ouvrage montre que les structures les plus antifragiles, c’est à dire à la fois capables de se remettre sur pied après un aléa (c’est à dire résilientes) et d’en sortir renforcées, sont décentralisées.
(4) Du 14 juillet au 15 août, transhumance estivale aidant, chacun retrouve ses racines et se souvient qu’il est « de quelque part ».
(5) Pour avoir consacré ma maîtrise de géopolitique aux projets de tunnels dans les Alpes du Sud dans la perspective de l’intégration européenne de la PACA (en 1995), je me permets de signaler ce « joli vide » aux observateurs qui trouveraient curieux que Marseille-Turin passe par Lyon.
(6) Présentée dans le billet Territoire, identité… Dix ans plus tard, l’embrasement ?