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Baromètre des conflits 2013

L’Heidelberger Institut für Internationale Konfliktforschung (HIIK) vient de mettre en ligne le Baromètre des Conflits 2013, en anglais et en allemand. Comme dans les précédentes éditions, l’ensemble des conflits politiques est passé en revue, depuis  les crises non-violentes jusqu’aux guerres. Le Baromètre 2013 y ajoute des cartes des dynamiques des conflits pour le Nigéria, le Mexique, le Pakistan et l’Irak. Voici donc une petite présentation des principaux faits saillants.
Pour mieux comprendre comment s’organise la fabrication d’un tel baromètre et les sources utilisées, voici un petit entretien avec Laura Schelenz qui dirige le groupe de travail « Conflits dans les Amériques ».

Le Baromètre des conflits, méthodes et équipes (1)

Les Baromètres des conflits sont-ils comparables d’une année sur l’autre ? Au fil des années, avez-vous modifié les sources et méthodes et si c’est le cas en les pondérant pour que les Baromètres soient comparables ?
Laura Schelenz : L’HIIK fait tout son possible pour que les Baromètres de conflits puissent rester comparables. Malgré tout, les données sur les conflits étant révisées en permanence, même celles qui concernent les années passées, il est possible que des informations présentées dans la nouvelle édition diffèrent des précédentes. A cela il faut ajouter le changement d’approche de l’HIIK en 2011 suite à l’évolution de la Méthodologie d’Heidelberg. Pour augmenter la fiabilité des données, nous avons abandonné l’approche purement qualitative pour adopter un mixte d’indicateurs qualitatifs et quantitatifs. On peut considérer que les Baromètres publiés depuis 2011 sont comparables, même si nous révisons sans cesse notre travail pour en expurger les lacunes précédentes. S’agissant des sources, nous nous référons aux principales agences internationales de presse comme le New-York Times et la BBC, ce qui nous permet de bénéficier en continu de leurs rapports qui sont de grande qualité. Il faut ajouter que l’avancée des agences spécialisées couvrant exclusivement telle ou telle région du monde, fournit à nos chercheurs la possibilité d’approfondir leurs connaissances et de suivre le développement des conflits en dehors des médias « grand public » (mainstream).

Quelle est la part de big-datas et de données issues de la presse ?

Laura Schelenz : La plupart du temps, nos chercheurs utilisent des sources ouvertes. Ces sources comprennent des médias grand public – dans certains cas nous les utilisons peu d’ailleurs – mais surtout des rapports d’experts locaux. Depuis que notre équipe se compose de chercheurs provenant d’une grande variété de pays, les textes du Baromètre des conflits reposent sur ​​des informations locales, dans la langue maternelle. En outre, de nombreux chercheurs qui ont travaillé à l’étranger entretiennent des relations avec des experts régionaux qui aident à évaluer les actions des conflits qui ne sont pas largement couverts. Enfin, nous utilisons des bases de données d’information et nous sommes toujours en contact avec d’autres instituts de recherche pour comparer nos résultats.

Le Baromètre s’oriente t-il vers une version prédictive ?

Laura Schelenz : Certaines tendances se répètent chaque année. C’est le cas, par exemple, des affrontements violents entre les cartels de la drogue ou les gangs et les gouvernements en Amérique latine ou des tensions actuelles entre différents groupes ethniques en Afrique sub-saharienne. Cependant, même s’il est possible d’identifier des tendances, on ne peut prédire la dynamique des conflits. Voilà pourquoi il est important d’examiner chaque acteur et chaque sujet de façon critique chaque année.

Sur l’équipe : quelle est la moyenne d’âge et le nombre de chercheurs ?

Laura Schelenz : L’HIIK compte environ 150 membres, y compris l’équipe de direction (les chefs des groupes de travail) et le conseil d’administration. Nos chercheurs sont des étudiants ou des doctorants, et des personnes travaillant dans des domaines voisins comme les agences allemandes de développement. Bien que je ne dispose pas de documentation à ce sujet, je dirais que la moyenne d’âge ne dépasse pas 30 ans.

Les tendances 2013 (2)

 

Les conflits violents en 2013 de l'HIIK. Carte à l'échelle infrarégionale issue du Baromètre des conflits 2013. Source et droits : HIIK.
Les conflits violents en 2013. Carte à l’échelle infrarégionale issue du Baromètre des conflits 2013. Source et droits : HIIK.

Le Baromètre des conflits 2013 dénombre 414 conflits politiques (contre 396 en 2012), 45 sont très violents (43 en 2012) – dont 20 guerres (18 en 2012). Avec 11 guerres (une première pour un tel score dans la région), l’Afrique subsaharienne arrive en tête des conflits très violents. Simon Ellerbrock, chef du groupe de travail « Conflits en Afrique subsaharienne » précise que « l’énorme hausse du nombre de conflits très violents est due en partie à l’amélioration en permanence de la qualité des données disponibles ». Le Soudan et le Soudan du Sud comptent à eux seuls cinq guerres. » En Décembre, une nouvelle guerre a éclaté entre les partisans du Président du Soudan du Sud Salva Kiir et son ancien vice-Président Riek Machar – faisant des milliers de morts. Dans la République de Centrafrique voisine, un pouvoir de transition s’est installé après la chute de Bangui aux mains des Séléka. Les opérations militaires menées conjointement par le gouvernement de la République démocratique du Congo et les brigades d’intervention de l’ONU ont abouti à un affaiblissement significatif des rebelles du M23. Au Mali, le gouvernement a réussi à reprendre le contrôle de grandes villes dans le nord du pays avec l’aide des troupes françaises, bien que des batailles aient continué contre des groupes islamistes nouvellement constitués. La guerre en Somalie a conservé le même niveau de conflit très violent, comme le Nigeria. Dans les Amériques, la violence a continué entre l’État mexicain et différents cartels de la drogue. En outre, des centaines de groupes d’autodéfense se sont formés dans le sud-ouest du pays, en lutte contre les cartels de la drogue et le gouvernement. (En regardant la carte de 2012, on note cependant un éloignement des violences par rapport à la frontière des États-Unis, ndlr). Pour la première fois depuis 2010, la Baromètre n’enregistre pas de conflit interétatique très violent, le conflit entre le Soudan et le Soudan du Sud étant plutôt en désescalade. Néanmoins, onze crises interétatiques violentes sont relevées, comme entre la Syrie et Israël ou les escarmouches en forte hausse le long de la frontière indo-pakistanaise.

Dynamiques de conflits au Nigéria (Boko-Haram) en 2013. Sources et droits : HIIK.
Dynamiques de conflits au Nigéria (Boko Haram) en 2013. Sources et droits : HIIK.

Voici l’évolution au fil de l’année des dynamiques du conflit entre Boko Haram et le gouvernement nigérian, un conflit qui dure depuis 2005. Les affrontements entre le groupe islamiste Boko Haram et le gouvernement, principalement observés dans les régions du nord-est du pays, ont fait plus de 1 200 morts pour la seule seconde moitié de l’année seulement.

En guise de conclusion, ajoutons qu’il est important de se référer aux sujets sur le Baromètre mis en ligne sur Geosophie l’an passé pour comprendre la méthodologie dans le détail et visualiser les cartes de 2011 et 2012. Il est difficile de présenter sur ce blog toute la richesse de ce baromètre, d’où l’intérêt de le charger en ligne sur le site de l’HIIK. Enfin, j’insisterai sur toute la richesse humaine d’une telle entreprise qui se joue sur des années (depuis 1945) : de jeunes chercheurs associés concrètement à l’élaboration d’un outil en évolution permanente pour analyser les conflits, à partir d’une large palette de sources – médias de tous types, chercheurs de terrain, agence de développement… Voilà un bel exemple de capitalisation intelligente de l’information qui traverse les chapelles et les générations et dote l’Allemagne d’une véritable expertise.

Sophie Clairet

Notes :

(1) Propos recueillis et traduits par Sophie Clairet.
(2) Principales conclusions du Baromètre des Conflits 2013 issues du Baromètre et du communiqué de presse.

Pour aller plus loin

– Site de l’HIIK

 

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Aux promeneurs de l’Internet dans un paysage de tracking

Quelques réflexions sur les promenades d’Internet, un blog, ses logs et qui se protège en cartes.

Dans quel État, j’erre ?

Au départ de GeoSophie, une connaissance proche du zéro pour tout ce qui concerne l’informatique technique. Le site utilise une charte clé en main proposée par WordPress en se bornant à sélectionner des couleurs. Je choisis OVH pour l’héberger parce qu’il est français, me disant que le site sera localisé en France en respect du droit français. Ouf, c’est le cas ! Avec un bémol toutefois. Lorsque je me connecte sur le « manager », j’arrive sur un serveur hébergé au Canada. La raison évoquée par OVH à qui je fais part de mon dépit : la société a préféré placer ce service au Canada pour disposer de serveurs « au frais ». OVH me rassure : le contenu de GeoSophie reste, lui, hébergé en France.

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La Bolivie dans l’air du temps

A l’origine de cette présentation, le visionnage d’un clip britannique surprenant tourné en Bolivie, un gros succès outre-Manche depuis mi-2013. Quelques recherches plus tard, il apparaît que l’État plurinational de Bolivie, peuplé de 10,4 millions d’habitants, niché dans la cordillère des Andes suscite des représentations qui dépassent largement son (très bon) chocolat, son Président haut en couleurs et son commerce équitable. Un kaléidoscope prend forme autour de petites images minières, dans un contexte de demande d’accès au Pacifique (1).

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Regard sur « Le nouveau capitalisme criminel » de Jean-François Gayraud

Dans Le nouveau capitalisme criminel*, la « crise » qui nous occupe depuis 2008 est un indice, le crime en cours est la substitution d’une oligarchie financière aux systèmes démocratiques. Les armes utilisées : des machines alliant trading haute fréquence (qu’il soit réellement utilisé ou présenté comme parade à la petite semaine pour masquer des actions humaines) et logiciels dévoyés. La scène a son centre névralgique, là où se concentrent serveurs géants et places financières, ainsi que ses centres secondaires, les zones grises du narcotrafic.

J’ose espérer que Jean-François Gayraud passera sur le manque de nuances dans ce très bref panorama, il est difficile de détailler sans réécrire tout l’ouvrage car tout se tient parfaitement. Quelques données parlent d’elles-mêmes :

« en 1976, 1% des Américains les plus riches captent 8,9% de la richesse nationale, en 2007, à la veille de la crise, ce 1% en monopolise 23,5% » (Le nouveau capitalisme criminel, p. 301).

Après en avoir refermé les 303 pages (hors notes), c’est ainsi que m’apparaît d’abord son ouvrage : une enquête qui nous concerne tous, quelle que soit la complexité de la démonstration technique. Les méandres de l’enquête sont à la mesure des voies tortueuses retenues par les fraudeurs et de leur démultiplication selon leur degré d’organisation et leur capacité à corrompre les systèmes – économique et politique. La véritable victime est ce citoyen ordinaire, comme vous et moi, dont le paysage d’action s’inscrit dans l’économie du réel et qui vote en espérant donner mandat à des représentants en capacité d’agir. On aimerait que l’Europe suive Ewald Nowotny, gouverneur de la Banque centrale d’Autriche et membre de la BCE : « En ce qui concerne le trading haute fréquence, il n’y a rien à règlementer, il faut interdire », Jean-François Gayraud expliquant

« Son argument est limpide, nourri par l’expérience : les financiers trouvent toujours des échappatoires dans toutes les règlementations » (op. cit., p. 260).

Encore faudrait-il que la presse nous alerte davantage sur ces sujets éminemment politiques, qu’elle questionne efficacement nos élus. Le lecteur de l’ouvrage se demandera logiquement comment se fait-il qu’il n’y ait aucun scandale ?

« L’aristocratie financière aux commandes est servie à la fois par une classe politique aux ordres constituée de débiteurs et par un nouveau clergé non plus catholique mais médiatique, disant le bien et le mal et lui conférant sa légitimité » (op. cit., p. 285).

Où en est-on de la crise ? Le système va t-il lâcher ou se reprendre ? Vers où va t-on ? Voilà des questions que se posent bon nombre de personnes. Sans tomber dans la théorie du complot, simplement en décrivant des faits et en les replaçant en perspective, cet ouvrage est éclairant. Sur le plan géopolitique il permet une cartographie des acteurs. Sur le plan géographique, il fait émerger de nouveaux lieux au-delà des clichés, la bourse de Paris à Basildon près de Londres ou le NYSE à Mahwah – de gros serveurs aux débouchés de gros câbles.

Sophie Clairet

Référence

Jean-François Gayraud, Le nouveau capitalisme criminel, Préface de Paul Jorion, Paris, Odile Jacob, février 2014, 368 p.

Pour aller plus loin

Interview de Jean-François Gayraud sur Xerfi Canal :
Jean-François Gayraud, Xerfi Canal Le… par GroupeXerfi

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L’Europe en tête de la connectivité à Internet (2)

Le rapport de l’Union Internationale des Télécommunications pour 2013 confirme celui de 2012, avec une arrivée du Royaume-Uni dans le Top 10 et la sortie du Japon. Voici deux cartes : le top TOP 10 de l’année, et le « mal-développement » de l’Internet sur la base des trajectoires des États entre 2011 et 2012 (et non de leur rang dans l’absolu).

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Une carte des conflits feutrés

LitigesCIJ2013

Cette carte a été réalisée le 27 janvier sur la base des affaires pendantes, dans l’attente du rendu de la Cour internationale de justice sur le différend qui oppose le Pérou au Chili (1). En tête des régions du monde, vient l’Amérique latine. En en tête des États parties, le Nicaragua a porté deux affaires contre la Colombie et une contre le Costa Rica pour des sujets de frontière maritime dans un cas, de route frontalière dans l’autre. Déposés fin 2013, les dossiers les plus récents concernent l’Amérique latine (Bolivie contre Chili pour un accès à la mer) et l’Asie du Sud est (Timor-Oriental contre Australie).

Sophie Clairet

Image du haut : Extrait du sceau de la Cour internationale de Justice (image Wikipedia)

Note

(1) L’arrêt comprend la nouvelle carte du tracé maritime, il est disponible ici :
http://www.icj-cij.org/docket/files/137/17931.pdf

Pour aller plus loin

Site de la Cour Internationale de Justice

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Paris « ville de pub », le marketing urbain en crise ?

Si la montée en puissance des métropoles signe notre nouvelle modernité, la crise s’invite dans le marketing urbain avec le phénomène « ville de pub ». Cette bâche qui tapisse le palais de justice de Paris en travaux illustre l’affadissement du message politique, qu’il s’adresse aux citadins ou aux touristes (partie gauche de l’image), en même temps que l’influence des affaires (partie droite). Il y a pléthore de supports d’influence, il manque juste à équilibrer les messages.

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L’Europe en crise à Panama ?

Dans six mois, nous fêterons les cent ans du canal de Panama, ce chantier initié par le Français Ferdinand de Lesseps qui le conduisit à sa ruine – les États-Unis reprirent et achevèrent l’ouvrage. Aujourd’hui, il semblerait que la crise européenne – ou pour le moins celle de ses grands groupes – s’invite à Panama. Hier, l’un des cinq vice-Présidents de la Commission européenne (le Commissaire européen aux Industries et à l’Entrepreneuriat) a accepté de jouer les médiateurs avec les autorités panaméennes.

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La France – Les mutations du système productif

Comment la France a basculé en une trentaine d’années, d’un pays de production à un pays de périproduction – autrement dit de services sans relation directe avec la production de richesses ? Dans son ouvrage, La France, les mutations du système productif, Laurent Carroué en donne une illustration à travers le concept de système productif. Voilà une nouvelle dimension – fonctionnelle – et non plus seulement sectorielle de l’économie et de l’industrie qui permet de mieux articuler économie, sociétés, territoires en mettant l’accent sur le rôle des villes et de la hiérarchie urbaine, le poids de Paris, la notion de France autonome… Présenté il y a plus de vingt ans, un peu perdu de vue par les géographes, le concept de système productif est repris par d’autres dont l’INSEE. Cette belle rupture épistémologique compose également une boite à outils pour comprendre la crise actuelle et ses dynamiques spatiales. D’ailleurs, les jurys des agrégations ont choisi pour 2014 d’en faire un nouveau sujet. L’ouvrage de Laurent Carroué s’adresse d’abord à un public de géographes préparant le concours de recrutement des enseignants de lycée, mais ses apports dépassent ce seul cadre.