Les extraits sélectionnés concernent l’Espagne et en particulier la Catalogne. La présentation des télévisions régionales du reste de l’arc méditerranéen a été retirée. Intérêt : éclairer l’une des données du processus de normalisation de la culture catalane. Texte extrait de ma thèse soutenue en 2000. Ni le texte ni les titres n’ont été modifiés.
Voici un voyage dans la recomposition du monde du travail et des espaces de la vie professionnelle, non pas une note de lecture de La révolte des premiers de la classe. Métiers à la con, quête de sens et reconversion urbaine[1] de Jean-Laurent Cassely mais une discussion autour de cet ouvrage. En effet ce livre suscite de très nombreuses pistes de réflexion tant il fourmille d’illustrations très soigneuses du réel. Il opère une véritable mise en musique de signaux faibles. Voilà une mine pour les géographes et explorateurs de terrain qui constatent que les candidatures d’adultes en « reconversion » se sont bel et bien démultipliées dans les Centres de formation des apprentis (CFA).
En 2014, Pr. Herfried Münkler de l’université Humboldt propose « Die gefährliche Kluft zwischen Schein und Tun. Auf die Interessen kommt es an! » au titre de contribution au débat Review 2014. Außenpolitik Weiter Denken. Le ministère allemand des Affaires étrangères a posé cette question à une cinquantaine d’experts reconnus « Si quelque chose ne va pas avec la politique étrangère allemande, qu’est-ce que c’est ? Que faut-il changer ? ». Le professeur répond en détaillant les multiples dangers d’un écart entre les véritables orientations et ce qu’on en communique. Voici une libre traduction de sa contribution.
Entretien avec Jean-Richard Delfassy, expert indépendant sur les Routes de la Soie.
Ce retour des empires terriens, en apparence positif parce que « commercial », détient sans doute des germes néo-totalitaires et conspirationnistes qu’il faut analyser en profondeur, au même titre que l’atlantisme en détient ou a pu en détenir aussi…
Mais dans ce western qui se joue aujourd’hui en Europe, qui tiendra le pistolet chargé, qui regardera passer les trains, qui jouera aux Indiens, et qui creusera ?
Le 11 décembre 2016, la Suisse met en service le tunnel du bas Saint-Gothard, le plus long tunnel du monde. 57,1 km à 2 000 mètres sous les Alpes suivant un axe nord-sud, 20 ans de travaux pour coût total de 11,1 milliards d’euros – dépenses « surveillées par les électeurs helvétiques » depuis la votation de 1992 qui a entériné le projet. Le 1er janvier 2017, China Railway Corporation annonce une nouvelle concrétisation de l’axe de communication est-ouest One Belt, One Road (OBOR) avec le départ du premier train de Yiwu pour Londres – arrivée prévue 18 jours plus tard, soit le lendemain du discours de Xi-Jinping à Davos prônant le libre-échange.. 12 000 km à travers le Kazakhstan, la Russie, la Biélorussie, la Pologne, l’Allemagne, la Belgique et la France pour ce train chinois. Ces deux projets ont en partage de permettre la traversée de l’Europe de part en part et de port en port, l’un nord-sud et l’autre est-ouest, sans être à l’initiative de l’Union européenne ni de l’un de ses membres. Ils ont tous deux été planifiés sur des décennies dans la perspective d’accorder à leurs commanditaires des avantages compétitifs dans les échanges économiques. Les médias se font plutôt discrets sur le tunnel du bas Saint-Gothard qui démontre le savoir-faire de la démocratique Suisse, tandis qu’OBOR suscite de nombreux sujets sur les appétits de la dictature chinoise. Vus d’Europe, hors considération de type alliance militaire, les deux constituent pourtant les deux faces d’une même médaille dans un vaste mouvement de recontinentalisation. Mais dans ce western d’Europe, qui tiendra le pistolet chargé, qui regardera passer les trains, qui jouera aux Indiens, et qui creusera ?
Le 23 novembre 2016, le Parlement européen a voté la « Résolution sur la communication stratégique de l’Union visant à contrer la propagande dirigée contre elle par des tiers ». Sur la base du rapport remis par l’eurodéputée conservatrice Anna Elżbieta Fotyga, ancienne ministre des Affaires étrangères de Pologne, cette résolution attire l’attention de la Commission européenne, des États membres et de l’OTAN sur les propagandes venues de Russie et de l’EIIL/Daech (dans cet ordre de présentation).
Dans le texte : le Parlement européen « 1. souligne que la propagande hostile contre l’Union européenne prend diverses formes et utilise divers outils, souvent conçus de façon à correspondre au profil des États membres, dans le but de déformer la vérité, d’instiller le doute, de diviser les États membres, d’entraîner un découplage stratégique entre l’Union européenne et ses partenaires d’Amérique du Nord, de paralyser le processus décisionnel, de discréditer les institutions de l’Union et les partenariats transatlantiques – dont le rôle dans l’architecture de sécurité et économique européenne est reconnu – aux yeux et dans l’esprit des citoyens de l’Union et des pays voisins, et de saper le discours politique européen fondé sur des valeurs démocratiques, les droits de l’homme et l’état de droit ; rappelle que l’un des principaux outils utilisés est l’incitation à la peur et à l’incertitude chez les citoyens de l’Union, ainsi que l’exagération de la puissance des acteurs étatiques et non étatiques hostiles; fait remarquer que d’autres régimes autoritaires dans le monde utilisent des stratégies semblables à celles élaborées par le Kremlin; ».
Après quinze année marquées par les images d’une « guerre contre le terrorisme » qui poussa sur les ruines du World Trade Center, l’Europe entend se protéger contre de nouvelles images. Les premières venaient de CNN et d’Hollywood – pour schématiser – les nouvelles sont portées aussi par YouTube et consorts.
Top 10 des chaînes YouTube
Le premier graphique donne une idée du profil des diffusions de masse : musique, programmes pour enfant, programmes trash. Certaines de ces chaînes ont ouvert des filiales, diversifié leurs langues et adapté leurs contenus aux cibles. D’ailleurs le 29 novembre 2016, France Inter invitait la rédactrice en chef de BuzzFeedFrance pour promouvoir « un virage d’enquête et d’info ».
Si l’on rapporte le nombre de vues à la population du pays d’origine des chaînes YouTube, le classement se trouve substantiellement modifié. Les Pays-Bas et leurs quelques 16 millions d’habitants sont capables de faire la chaîne Spinnin’Records qui engrange plus de 9,3 milliards de vues sur des vidéos musicales qu’elle produit (par exemple Martin Garrix à ses débuts). Sur ce type de graphique, les Russes performent davantage que des Américains qui maîtrisent pourtant les tubes et le véhicule principal, l’anglais. Get Movies et Mashamedvedtv doivent leur classement au dessin animé Masha et Michka. Le 17e épisode diffusé en janvier 2012 sur la première a été visionné plus d’1,8 milliard de fois (en date du 29/11/2016), si bien que la seconde porte la diffusion des épisodes en HD depuis 2013.
Compte tenu de la résolution du Parlement européen
> Est-ce que Spinnin’Records va agrémenter ses vidéos musicales d’images d’une Europe unie et indépendante de stratégies étrangères ? Autrement dit est-ce que l’Europe peut prendre conscience qu’elle abrite des capacités d’influence avérées – et se placer dans une logique proactive.
> Est-ce que la petite fille et l’ours du dessin animé russe Masha et Michka seront interdits ? Autrement dit est-ce que l’Europe entend répondre à la propagande en tuant des ours – et se placer dans une logique de censure et d’embargo.
> In fine qui va agir pour l’Europe, et l’Europe, c’est qui ?
Bons baisers d’Europe, Madagascar 3. Notes prises au cinéma en juillet 2012
« Les enfants dans la salle n’ont pas tellement rigolé, les parents non plus, à part à deux ou trois reprises, rien à voir avec une explosion de rires. Je n’ai pas ri, certes, je prenais des notes et du coup je ne suis pas rentrée à fond dans les images. C’est un vrai festival, le tigre russe antipathique qui apparait chaque fois avec les chœurs de l’armée rouge, incapable de sortir des héritages du passés, la loutre italienne qui négocie avec le lion US et le tigre russe, la belle « léopard » (je ne sais pas si c’était un léopard) italienne qui les convainc de s’entendre et passe du Russe à l’Américain. Le cirque s’arrête à Rome poussiéreuse dans ses ruines où il rate tout, dans les Alpes suisses où tout repart, puis à Londres (il est écrit Europower sur la tente du chapiteau) où il « casse la baraque » et se fait repérer par un producteur US, avant de partir à NY. Au début, le chef c’est le tigre russe has been. Le numéro est nul, fait fuir tous les spectateurs à un point tel que le cirque s’enfuit en laissant l’argent de la recette (les singes africains envoient les billets en l’air). Numéro raté, musique d’avant le Déluge. A la fin, le lion américain est le boss reconnu par tous. La France, « ici on ne travaille que 15 jours par an » (dans la bouche des pingouins commandos US qui expliquent pourquoi à peine posés au sol, les singes africains s’enfuient dans la nature malgré le contrat signé qui leur demande de travailler). Tout ce que veut la méchante, c’est à dire la capitaine française Chantal Dubois, qui se transforme en araignée pour pister les gentils, c’est accrocher la tête du lion à son mur. « Elle est chtarbée », « la psychopathe nous rattrape ». Elle essaie de se mettre la police italienne dans sa poche en chantant du Piaf là ou le lion US remet tout en ordre avec un spectacle 3 D bluffant et de la musique carrément « fun ». Elle pleure des larmes noires de son maquillage qui coule, finit dans une caisse avec les policiers qui ont eu la bêtise de la suivre, expédiée depuis NY direction Madagascar pendant que le cirque européen/US/russe part à l’aventure sur une formule renouvelée où grâce au lion US, le tigre russe a retrouvé l’envie de vivre. Chantal Dubois n’est pas au niveau de l’attirail des pingouins US avec leurs armes super sophistiquées, elle n’a que la seringue hypodermique et sa méchanceté. »
Le 19 octobre 2016, EFFIE, le prestigieux Grand Prix de la campagne de communication la plus efficace a récompensé l’agence The Brooklyn Brothers & Íslenska pour Ask Guðmundur: World’s First Human Search Engine. Depuis le lancement début 2015 de cette campagne, sept Islandais répondant à l’un des prénoms les plus répandus du pays – Guðmundur ou Guðmunda, d’âges variés et localisés dans les régions d’Islande répondent directement aux questions des touristes étrangers (cible du marché en plus forte croissance en Islande). Quelle est la température de l’eau, y a t’il des forêts, peut-on venir avec des enfants, etc. Les vidéos réponse postées sur la chaîne YouTube dédiée font la part belle aux paysages sans fioriture, « les secrets » du pays sont à portée d’humain.
EFFIE récompense pour la deuxième fois la promotion de l’Islande. Déjà la marque Inspired by Iceland (la maison mère) avait reçu l’or en septembre 2011. Cette nouvelle couronne démontre que cinq ans après son lancement, Inspired by Iceland fonctionne effectivement comme un cadre de promotion concret de l’Islande. La campagne Barcelona Inspira lancée en 2015 puis la marque Inspire Metz dévoilée mi-octobre 2016 font comprendre que ce succès venu d’un petit territoire insulaire aux marges de l’Europe suscite l’envie. Pour autant il y a loin entre l’original et les copies, Inga Hlín Pálsdóttir, directrice Visit Iceland & Creative Industries rappelle :
« It’s important to understand that the country is the brand itself »
En effet, le territoire islandais nourrit l’image de promotion (branding, marketing…) et la leste d’une charge permettant de faire caisse de résonance à un projet politique. L’un de ses ingrédients, les débats portés par le tout jeune Piratar (Parti pirate) devenu la troisième force du pays hier aux élections législatives du 29 octobre 2016, constitue la filigrane d’Ask Guðmundur: World’s First Human Search Engine.
Efficacité
Le jury d’EFFIE estime que « grâce à leur approche humoristique et une solution créative fondée sur l’importance du savoir ancré dans le local et l’humain, ils ont généré la croissance la plus forte et la plus rapide que le secteur touristique islandais ait jamais réalisée ». Cette campagne de promotion se distingue dans les catégories de la meilleure démonstration d’efficacité intégrée, David vs. Goliath et Petit budget. Et de fait, le tourisme est devenu le principal pilier de la croissance économique de l’Islande, laquelle s’élève à 4% par an. Le nombre de touristes est en hausse de 20% par an et atteindrait 1,7 million en 2016 – soit plus de quatre fois le nombre total d’habitants. Les statistiques détaillées figurent dans les registres du FMI, de l’OMC, du Cia Factbook, etc.
Guðmonda du sud de l’île, une jeune femme en tenue de football en ces temps d’Euro2016, lui répond que parfois même les présidents ont besoin de Guðmundur, avant de faire rebondir le ballon et de laisser tomber son micro pour vaquer à d’autres occupations :
Au printemps, cet échange d’amabilités se déroule sur fond d’ascension du Parti pirate dans l’opinion publique islandaise. Ask Guðmundur n’a strictement rien à voir avec la promotion d’une activité touristique par l’esthétique, d’ailleurs les paysages jouent sur la rugosité du réel et non sur un univers onirique de mannequins filiformes. Bien davantage, elle arbore l’identité islandaise comme étendard de ralliement, c’est au tour du pays tout entier de faire « marque ».
L’élément d’une chaîne
Les observateurs politiques annoncent depuis plusieurs mois une avancée significative du Parti pirate islandais aux élections législatives du 29 octobre. Après avoir conquis en 2013 trois sièges d’un Parlement qui n’en compte que 63, le jeune parti créé en 2012 a notamment profité du scandale suscité par la révélation des Panama Papers en avril 2016. Le Premier ministre islandais Sigmundur David Gunnlaugsson avait été poussé à la démission par la descente dans la rue de 20 000 Islandais, tandis que Birgitta Jonsdottir, ancienne porte-parole de WikiLeaks, co-fondatrice du Piratar et député renforçait davantage sa position.
Le moteur de recherche d’informations humain Guðmundur n’est que l’élément d’une chaîne. Un an après l’avoir lancé, Inspired by Iceland s’est doté d’une Iceland Academy pour informer (ndlr) former les touristes désireux de visiter le pays. Voilà une logique imparable : après l’information, la formation par des gens du cru. Répondre correctement aux évaluations permet de gagner des écussons – finalement il s’agit de clés métaphoriques – puis un séjour garanti comme 100% hors des sentiers battus. Les visiteurs qui auront adopté la démarche initiatique se détourner de « Google », demander aux guides locaux, avoir l’humilité de se former, etc. en verront davantage. Voilà, l’île quasi-déserte battue par les vents s’accordera le luxe de sélectionner les touristes dignes de la visiter. Il le faudra bien car l’Islande, dépassée par le succès de ses campagnes de promotion, est saturée au sens propre et les lslandais disparaissent du paysage.
A l’autre extrémité du modèle, l’approche symétriquement inverse a démarré dans les nouvelles régions et métropoles françaises en plein essor. On prend l’habitude ici qu’une « marque de territoire » sans identité territoriale assumée, voire sans signification claire autre qu’une musique « qui sonne bien » et en appelle à la fierté d’en être, soit fièrement présentée comme solution pour faire émerger un territoire produit contre la concurrence. Quel est le projet politique à décoder dans les marques Onlyon, SoToulouse, Osez Bordeaux? Gagner en ostracisant une autre ville ?
Au delà des forêts qui tapissent la colline de Montemarcello, s’étendent la succession des marinas et plages sur le front de mer et la plaine lagunaire enrichie par les eaux du Magra, plantée de cultures maraichères. Ces terres recouvrent en partie l’antique cité de Luna, capitale historique de Lunigiana et grand port impérial d’où partait le marbre de Carrare – baptisée Luna en l’honneur de la déesse de la Lune. Au second plan les villages perchés, dominés par les enceintes médiévales des Malaspina, abritèrent à partir du XIe siècle les habitants chassés par l’ensablement du port, le paludisme et l’insécurité qui sévissaient dans les lagunes. Une vingtaine de châteaux, édifiés par la famille des Malaspina ou qui leur furent confiés, coiffent encore les reliefs. L’arrière-plan s’arrête à une dizaine de kilomètres dans les Alpes Apuanes, dont les carrières de Carrare sculptent la silhouette depuis des millénaires. La via Francigena traverse ce paysage, reliant Rome à l’Europe du Nord, serpentant entre les collines et remontant la vallée du Magra. La Via Statale n°1 (route nationale n°1) et l’autoroute A 12 installées dans la plaine, suivent la même direction.
Le refuge où Dante élabora une nouvelle paix
Ce paysage profondément humanisé n’a guère de naturel que les dauphins qui peuplent les eaux calmes. Cette zone frontière entre Ligurie et Toscane, entre Mer et Terre, fut jadis la limite entre le Génois et le Toscan, mais aussi une terre d’opposition entre Guelfes et Gibelins, une zone de conflits entre évêques de Luni et marquis de Malaspina, puis entre évêques et bourgs aspirant à l’indépendance.
La guerre, les querelles, les rapines se sont achevées par le traité de Castelnuovo-Magra ou « Paix de Dante » en 1306. Dante Alighieri mit en pratique l’hégémon décrit dans De monarchia, ce type de paix qui voit un souverain au dessus des autres leur imposer sa paix.
Au XIIIe siècle en Lunigiana, l’influence des marquis de Malaspina s’imposa face à celle des Évêques-Comtes qui finirent par disparaître de la vie politique. A ceux qui craignaient alors qu’une telle situation d’hégémonie aux mains d’un homme nourrisse la guerre, Dante répondait que quelqu’un de si puissant souhaiterait la stabilité. C’est sous la belle lumière et à travers les paysages morcelés de Lunigiana que s’élabora sous la plume de Dante l’une des plus anciennes défenses de l’idéal civique. Dante y gagna d’être mis à l’index par l’Église jusqu’en 1880.
Leçons de Rome
Bien que les papes soient affaiblis, le Saint-Empire ne sut tirer profit de la paix de Dante. L’argumentaire était prêt mais l’empereur décéda trop tôt. Voici une lecture de Thierry Menissier qui éclaire l’idéal civique que Dante place dans l’empire : « Le peuple qui dans l’histoire du monde a triomphé par les armes et qui a imposé à presque toute l’humanité « sa » paix n’est pas n’importe quel peuple : c’est le peuple qui a promu le droit romain, c’est-à-dire celui qui a imposé sur le territoire de sa conquête la loi rationnelle valable pour tous (et non pas l’arbitraire de la volonté personnelle). Toute l’histoire du monde a même basculé autour de cet événement : l’extension à un vaste ensemble territorial de la juridiction civile unifiée inventée par les Romains. Le génie de ces derniers – expression de la « grâce spéciale » qui leur a été accordée – est d’avoir incarné la possibilité du règne de la loi ; le paradoxe de l’histoire veut que cette possibilité en soit passée par la conquête armée. » (Monarchia de Dante : de l’idée médiévale d’empire à la citoyenneté universelle)
Un havre de paix face aux nouveaux empires
Ce havre de paix façonné par l’histoire, la culture et la douceur de vivre m’a accueillie pour quelques jours de vacances le lendemain d’un attentat qui endeuillait la promenade des Anglais. En ce mois de juillet 2016, les augures de la finance prédisaient l’effondrement du système bancaire italien. Très vite, il apparut que ni les papes, ni l’empire, ni la terreur, ni la finance n’avaient pris le pouvoir dans ces contrées. Les autochtones s’étaient débarrassés du système, pas de femmes voilées, pas de policiers surarmés, « No bankomat ». Se promener avec une carte bancaire limitait grandement l’interaction avec l’économie locale alors que des espèces sonnantes et trébuchantes en poche permettaient d’accéder à des productions autant diversifiées que le permettait la variété des paysages. Partout des terres en culture, des fabriques transformant le marbre, des boutiques ouvertes jusqu’à point d’heure, des familles faisant la passeggiata. Très peu de touristes étrangers, très peu de touristes voilés, beaucoup de calme et de paix. Des enfants qui courent dans de grands éclats de rire.
Depuis mon arrivée près de Metz, j’ai découvert petit à petit un nouveau paysage que je nommerais « délaissée glaciaire » (1) de la géopolitique. Il est fait de bases militaires abandonnées, mais cela se voit à peine dans ce pays sans volets. A Longeville-lès-Metz, on voit davantage les pancartes à louer, à vendre, commerce à céder. Sur les hauteurs pullulent les pancartes rouillées de « Terrain militaire ». S’y risquer ? Chacun prévient que dans ces hautes herbes les tiques prolifèrent et emmènent avec elles la maladie de Lyme. Si on regarde bien, Metz a t-elle fait autre chose avec sa rente de situation acquise auprès des évêques, empires et autres officiers que les pays producteurs de pétrole africains avec leur or noir ? Le butin tombait tout seul grâce à une situation géographique qui permettait à la ville de monnayer son allégeance. C’est au dessus de Metz que culmine la seule tour Bismarck édifiée sur le territoire de la France actuelle, vestige parmi tant d’autres d’une redoutable place forte. Il est bien possible que cette attractivité tombée toute crue nourrisse ces mantras étonnamment insistants chez les autochtones que la Lorraine est la plus belle région de France et Metz la première merveille du monde (2). Avec tout l’humour des revers de l’Histoire, l’heure a sonné pour la délaissée glaciaire de se trouver un nom et une vocation. Les communicants sont en effet saisis, et déjà la presse bruisse : en septembre sera lancée une « marque de territoire ».